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des intelligences semble déjà présager des chefs-d'œuvre,
quand la guerre opiniâtre, acharnée, d'abord contre la France,
puis entre les diverses branches de la postérité d'Edouard III,
lutte stérile et sanglante des deux roses qui consume la sève
du peuple anglais, le jette sans force et sans conscience aux
pieds de l'horrible Henri VIII.
    Qui eût pensé que ce fût celte époque d'érudition trom-
peuse et de basse flatterie, ce règne qui pour tant de victimes,
ne compta qu'un sage (Thomas Morus), que la Providence
eût choisi pour préparer la grandeur de la nation anglaise?
N'attribuons pas à un roi tvrannique, parjure, meurtrier de
sa famille, ni à tous ses vils courtisans, le bien qui a suivi son
règne. N'imputons pas la réforme politique, religieuse, litté-
raire de l'Angleterre à tel nom, à tel caractère qui ne pour-
rait en soutenir le poids ! Disons plutôt que les temps étaient
venus où devait s'éveiller le génie, où la ferme et habile Elisa-
beth, sévère pour ses sujet§, indulgente pour elle-même, devait
trouver un sol tout préparé pour des inspirations fortes et
puissantes. Pendant que les escadres de l'Angleterre faisaient
trembler Philippe II sur son trône, l'élégance française, la
finesse italienne s'introduisaient à la cour de la reine; Spencer
récréait les esprits par sa brillante allégorie de la Reine des
Fées, et modelait avec art la langue anglaise en cadences
pures et mélodieuses. Enfin, Shakspeare parut, Shakspeare,
dernier géant du moyen-âge, placé comme Dante sur la li-
mite des siècles pour refléter le passé et l'avenir, Shakspeare,
plus surchargé qu'enrichi de toutes ces traditions confuses qui
signalent l'existence inexplicable du grand peuple dont il est
 l'idole ; mais qui, par la force de son génie, par sa science
profonde du cœur humain, par celte intuition victorieuse qui
signale les rois de la pensée, s'est servi de ces traditions diver-
ses, historiques, fantastiques, grecques, romaines, italiennes,
 anglaises, comme de voiles à moitié diaphanes et tissus d'om-