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  A celte condition, qu'elle ne ferait son apparition dans aucun
  sujet particulier, condition à la fois impossible et absurde,
  qui non seulement, entre l'intelligence humaine, mais entre
  toute intelligence possible, mais entre l'intelligence de Dieu
  même et la vérité absolue placerait un abîme infranchis-
  sable.
     Kant se sert encore d'autres armes contre la raison. Non
 seulement la raison, selon lui, nous abuse par de vaines il-
 lusions, mais encore elle se joue de nous par des illusions
 contradictoires et fait de notre esprit le théâtre d'une éternelle
 et nécessaire discorde. Interrogez la raison sur certaines gran-
 des questions dont Kant a la prétention de déterminer le
 nombre et la nature, et elle vous répondra oui et non. De-
 mandez-lui si le monde est infini dans le temps et dans
 l'espace, ou s'il est limité ; demandez-lui si la matière est
 divisible ou indivisible ; demandez-lui s'il existe ou non de
 la liberté dans le monde ; demandez-lui enfin si quelque part,
soit dans le monde, soit hors du monde, il existe un être
nécessaire, et d'une part, elle vous répondra que le monde est
limité, que la matière est divisible, qu'il y a de la liberté,
 qu'il y a un être nécessaire, et de l'autre, avec des argu-
ments non moins concluants elle vous répondra le monde
est infini, la matière est indivisible, il n'y a pas de liberté,
il n'y a pas d'être nécessaire. Telles sont les antinomies
de Kant. Si une seule de ces antinomies était vraie, s'il
était démontré que sur un seul point la raison fut en un
conflit nécessaire avec elle-même, nous avouons que le scep-
ticisme par cela seul nous semblerait avoir gain de cause contre
le dogmatisme. Quelle est donc la valeur réelle de ces anti-
nomies ? M. Cousin fait remarquer que Kant y a confondu
des questions de deux sortes, des questions qui reçoivent une
solution immédiate de la conscience ou de la raison, et qui
par conséquent ne sauraient donner lieu à la contradiction,