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482 A celte condition, qu'elle ne ferait son apparition dans aucun sujet particulier, condition à la fois impossible et absurde, qui non seulement, entre l'intelligence humaine, mais entre toute intelligence possible, mais entre l'intelligence de Dieu même et la vérité absolue placerait un abîme infranchis- sable. Kant se sert encore d'autres armes contre la raison. Non seulement la raison, selon lui, nous abuse par de vaines il- lusions, mais encore elle se joue de nous par des illusions contradictoires et fait de notre esprit le théâtre d'une éternelle et nécessaire discorde. Interrogez la raison sur certaines gran- des questions dont Kant a la prétention de déterminer le nombre et la nature, et elle vous répondra oui et non. De- mandez-lui si le monde est infini dans le temps et dans l'espace, ou s'il est limité ; demandez-lui si la matière est divisible ou indivisible ; demandez-lui s'il existe ou non de la liberté dans le monde ; demandez-lui enfin si quelque part, soit dans le monde, soit hors du monde, il existe un être nécessaire, et d'une part, elle vous répondra que le monde est limité, que la matière est divisible, qu'il y a de la liberté, qu'il y a un être nécessaire, et de l'autre, avec des argu- ments non moins concluants elle vous répondra le monde est infini, la matière est indivisible, il n'y a pas de liberté, il n'y a pas d'être nécessaire. Telles sont les antinomies de Kant. Si une seule de ces antinomies était vraie, s'il était démontré que sur un seul point la raison fut en un conflit nécessaire avec elle-même, nous avouons que le scep- ticisme par cela seul nous semblerait avoir gain de cause contre le dogmatisme. Quelle est donc la valeur réelle de ces anti- nomies ? M. Cousin fait remarquer que Kant y a confondu des questions de deux sortes, des questions qui reçoivent une solution immédiate de la conscience ou de la raison, et qui par conséquent ne sauraient donner lieu à la contradiction,