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481 soleil que nos yeux découvrent tous les objets sensibles, c'est à la lumière de la raison que notre intelligence découvre les objets intelligibles. Ainsi la raison fait son apparition dans l'intelligence humaine qu'elle éclaire, mais elle n'en est pas une forme, comme Kant l'affirme, et sa lumière va du dehors au dedans et non du dedans au dehors. Mais dans les notions de la raison il y a un caractère de nécessité en vertu duquel Kant se croit en droit de conclure leur subjectivité. Il est vrai que cette nécessité semble imprimer aux principes de la raison un certain caractère de subjectivité. Mais ce caractère n'est pas le caractère primitif avec lequel la raison se manifeste à nous. Les principes de la raison ne s'imposent pas d'abord à nous par leur nécessité, mais par leur évidence. C'est seulement par un acte ultérieur, et lorsque la réflexion entre en exercice, que l'esprit faisant un retour sur une vérité, s'aperçoit qu'elle s'impose à lui nécessairement. Le mode primitif de la connaissance est une révélation spontanée, une intuition pure de la raison dans laquelle la lumière de la vérité absolue vient frapper notre esprit, qui la reçoit comme l'œil reçoit la lumière vi- sible. Ainsi, dire que la raison se manifeste a nous primiti- vement avec le caractère de la nécessité, c'est dire que le développement réfléchi de nos facultés précède leur dé- veloppement spontané, c'est dire qu'il y a eu retour de l'esprit sur ce que l'esprit ne connaissait pas encore. Dans ce premier mode de la connaissance, la raison se découvre à nous avec toute son impersonnalité, elle n'a rien de personnel et de subjectif que le rapport nécessaire qu'elle soutient avec l'esprit, avec le sujet particulier dans lequel elle fait son apparition. Mais l'existence seule de ce rapport suffit à Kant et à tous ses partisans pour frapper de sub- jectivité la raison tout entière. A quelle condition la raison pourrait-elle donc, selon Kant, conserver sa pure objectivité ? 31