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470 une lyre dont souvent il abuse, en aura tiré quelques brillants accords, la véritable balance des pouvoirs, ce sage et puissant équilibre vainement anticipé par tant d'esprits, s'établira e n - fin sous Guillaume III, et le règne fortuné de la reine Anne fera briller sur l'Angleterre des jours purs, dont les sciences et les lettres, paisibles et victorieuses, recueilleront les heu- reux fruits. Il est vrai que les élans du génie, les poétiques fureurs de Shakspeare et de Milton, ont fait place à un goût plus modeste, à un style plus châtié et plus correct ; il est vrai qu'à l'excep- tion de Newton, qui sut lire dans les astres la loi de l'univers, les prosateurs et les poètes de cette époque se distinguent par une noble élégance plutôt que par une conception hardie. Mais, si l'on considère leur nombre, leur caractère, leur i n - fluence sur les mœurs et les habitudes de la nation, la tendance civilisatrice qui ressort de toutes les parties de leurs œuvres, on devra convenir que leur gloire est réelle et qu'ils méritent l'hommage de la postérité. Tous reflètent le siècle de Louis XIV qui venait de briller sur la France, et ce n'est pas à la France qu'il convient de déprécier cette imitation. Aussi lira— t-on toujours avec plaisir les vers purs et harmonieux de Pope, exprimant avec noblesse des pensées si profondes et si vraies, les critiques si finies d'Addison, les saillies de Swift et de Con- grève ; et, sous les règnes des premiers Brunswick. les austères méditations de Young, les riants tableaux de Thomson et de Goldsmith, les odes sublimes de Gray et de Collins, les spiri- tuels romans de Richardson et de Fieîding, les vives fictions de Sterne et de De Foe, auteur trop oublié de Robinson? L'histoire prend un essor rapide sous la plume de Hume, de Robertson et de Gibbon ; l'éloquence de la tribune s'élève avec Bolingbroke et Chatham, pour atteindre sous Burke, Pitt et Fox toute la verve et tout l'éclat de Démosthène. Cette période de deux siècles est féconde en beaux noms,