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4G0 C'est dans cet esprit d'impartialité et de justice, dont la France ne peut rien redouter pour sa gloire, que je me propose d'examiner avec vous le développement graduel de la poésie anglaise, dans le vaste et merveilleux en- semble de ses éléments si divers. En effet, qui oserait prétendre qu'il connaît à fond l'histoire d'Angleterre , s'il n'a étudié que la physionomie actuelle du puissant em- pire de la Grande-Bretagne, sans remonter aux sources de cette histoire et à l'assimilation de tant d'états divers? De même on ne saurait connaître le caractère de la langue et de la littérature anglaises, de cette langue et de cette litté- rature si capricieuses, souvent si dissonnantes, et cependant si riches et si profondes, si l'on n'a considéré le caractère spécial de chacun des peuples qui composent son essence. Que de pierres dans ce vieux et robuste édifice, que de cou- ches superposées les unes aux autres, et liées par un invisible ciment! Celles, Bretons, Romains, Saxons, Angles, Danois, Normands, Français, émigrés de toute nation, de toute secte et de toute croyance, se confondent dans une proportion iné- gale, mais partout sensible et agissante. L'Angleterre résume en elle l'Europe, comme l'Europe semble résumer le monde dans ses révolutions multipliées. Par une loi constante de la Providence, le mouvement im- primé à la nature humaine passe des individus aux familles, des familles aux tribus, des tribus aux nations. Il semble môme que chaque nation n'attende sa noblesse, sa grandeur, son importance dans l'histoire, sa prépondérance dans le monde, que d'une fusion plus vaste et plus complète d'une foule d'éléments étrangers. En effet, qu'eussent été les Grecs abandonnés à eux-mêmes, confinés dans les déserts de la Thrace, dans les montagnes de la Thessalie, dans les gorges ténébreuses du Pélion et du Pinde, ou sur les rivages orageux de l'Archipel, si les Phé-