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393 si justement qualifié de malencontreux, veut-il nous faire croire que son cœur est vivement ému, et qu'il va porter dans notre ame le trouble qui l'anime, quand il s'écrie avec une expression si prosaïque : Quelle docte et sainte ivresse Aujourd'hui me fait la loi ? Chastes nymphes duPerraesse, N'est-ce pas vous que je voi? Accourez, troupe savante, Des sons que ma lyre enfante Ces arbres sont réjouis. Marquez-en bien la cadence ; Et vous, vents, faites silence : Je vais parler de Louis. Il y a donc, dans l'histoire de notre littérature, ce fait remar- quable et bizarre que la poésie lyrique est pâle et sans couleur, froide, compassée, et empruntant de tous côtés, à l'antiquité, à l'Italie, à l'Espagne, tout ce qu'elle a d'artificiel et de factice ; et cela, dans le siècle le plus glorieux de la France, pendant les années les plus belles de notre histoire politique. N'allons pas trop loin cependant, et ne prononçons pas un anathème trop général. Si le sentiment du patriotisme, si la gloire nationale n'a pas su faire germer dans le cœur des poètes de grandes pensées traduites en accents mélodieux, il est dans l'ame humaine un sentiment encore plus élevé et plus énergi- que, une passion qui fait faire de plus grandes choses : c'est le sentiment religieux, c'est l'amour de la beauté divine. C'est là que nous trouverons la poésie, c'est ce sentiment et cet amour qui inspirèrent alors le plus harmonieux de nos poètes, Racine. Laissons de côté celte ode où Racine fait parler à la nymphe de la Seine un langage assez froid, et ses stances prosaïques sur la Renommée. II y a encore sacrifié au mauvais goût de ses