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si justement qualifié de malencontreux, veut-il nous faire
croire que son cœur est vivement ému, et qu'il va porter dans
notre ame le trouble qui l'anime, quand il s'écrie avec une
expression si prosaïque :
                  Quelle docte et sainte ivresse
                  Aujourd'hui me fait la loi ?
                  Chastes nymphes duPerraesse,
                  N'est-ce pas vous que je voi?
                  Accourez, troupe savante,
                  Des sons que ma lyre enfante
                  Ces arbres sont réjouis.
                  Marquez-en bien la cadence ;
                  Et vous, vents, faites silence :
                  Je vais parler de Louis.

   Il y a donc, dans l'histoire de notre littérature, ce fait remar-
quable et bizarre que la poésie lyrique est pâle et sans couleur,
froide, compassée, et empruntant de tous côtés, à l'antiquité,
à l'Italie, à l'Espagne, tout ce qu'elle a d'artificiel et de factice ;
et cela, dans le siècle le plus glorieux de la France, pendant les
années les plus belles de notre histoire politique.
   N'allons pas trop loin cependant, et ne prononçons pas un
anathème trop général. Si le sentiment du patriotisme, si la
gloire nationale n'a pas su faire germer dans le cœur des poètes
de grandes pensées traduites en accents mélodieux, il est dans
l'ame humaine un sentiment encore plus élevé et plus énergi-
que, une passion qui fait faire de plus grandes choses : c'est
le sentiment religieux, c'est l'amour de la beauté divine. C'est
là que nous trouverons la poésie, c'est ce sentiment et cet
amour qui inspirèrent alors le plus harmonieux de nos poètes,
Racine.
   Laissons de côté celte ode où Racine fait parler à la nymphe
de la Seine un langage assez froid, et ses stances prosaïques sur
la Renommée. II y a encore sacrifié au mauvais goût de ses