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prédécesseurs et même de la plupart de ses contemporains ;
mais ce n'est pas là qu'il est vraiment poète lyrique. Dans la
Grèce, les princes de la tragédie avaient su être sublimes ail-
leurs que dans le dialogue et l'action dramatiques : dans ces
chœurs où ils faisaient entendre la voix de la raison ou du
peuple, ils ont trouvé des accents dignes de la lyre. L ' Œ -
dipe à Colonne de Sophocle, YHippolyte d'Euripide nous
offrent de beaux modèles de l'hymne religieux mêlé aux ter-
reurs de la tragédie, et l'émotion n'est pas moins lugubre dans
les gémissements des Suppliantes d'Eschyle ou dans les chants
de deuil des Perses. Ce sont ces chœurs que Bacine a osé trans-
porter sur la scène française : dans cette innovation nul autre
que lui n'a pu réussir, parce que nul autre n'a été si profondé-
ment pénétré du génie de l'antiquité. A cela il a su joindre
un goût exquis, un sentiment vrai et passionné des beautés de
la poésie hébraïque; aussi, pour la pensée comme pour l'ex-
pression, les chœurs d'Esther et d'Athalie sont restés des
chefs-d'œuvre inimitables. « Dans ces chœurs, dit M. Ville-
main, tout ce qui s'est perdu de l'esprit de feu du Prophète,
à travers les changements de siècles et d'idiomes, est suppléé
par l'intérêt du drame et l'émotion des personnages. » Il y a
plus encore ; c'est que même isolément, même séparés de ce
qu'ils empruntent de beautés au jeu dramatique, ces chœurs
respirent un parfum oriental d'une parfaite douceur. Mouve-
ments harmonieux, images magnifiques, effusions d'amour,
de joie ou de terreur, toutes les qualités d'une poésie élo-
quente et gracieuse s'y rencontrent. Tour à tour le Grand-
Prêtre inspiré y fait retentir sa redoutable voix ; et la jeune et
plaintive Israélite y gémit tristement dans des accords entre-
coupés de larmes. Où le poète a-t-il chanté les louanges de
Dieu en une plus douce mélodie ? Où a-t-il mis dans la bouche
de l'enfance de plus sages conseils et de plus profondes véri-
tés? Où a-t-on vu reproduire avec plus defidélitéet en jnême