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homme n'élait point abaitu, de trop forts sentiments l'agilaient,
Tantôt se peignant un mal grave qui minait sourdement les jours de
son amante, tantôt se prenant aux moindres signes de mieux qu'il
découvrait dans les lettres de ma tante, il passait du désespoir le
plus violent à la plus folle joie. Informé qu'Elisa avait franchi les
Alpes, il volait à sa rencontre, lorsqu'il reçut quelques lignes de
M me Meyer qui le priait d'attendre leur arrivée. Cette malheureuse
mère, après avoir passé par les plus cruelles angoisses, forcée enfin
par l'état de sa fille de s'arrêter dans le petit hameau de Saint-Bran-
chier,avait cru ne pas la ramener vivante jusque dans ses foyers ;
et, après s'être remise en route, elle redoutait que l'apparation sou-
daine de Widmer et les émotions d'une entrevue, ne vinssent rom-
pre le fil léger auquel tenaient encore les jours d'Elisa.
   Le premier vendredi de septembre, ces dames arrivèrent. Widmer
s'était éloigné sur le conseil de matante. Il se tenait sous ces arbres
touffus qui dominent la maison. C'est de là qu'il aperçut Elisa, pâle
et changée, à demi-couchéedans lo fondd'une voiture ouverte. Tout
entier au bonheur de la revoir, sou cœur bondissait de plaisir, et il
attribuaita la faligne du voyage ce qui le frappait dans les traits et
dans l'attitude de son amante. Mais quand il eût vu le voiturin s'ap-
procher et la prendre dans ses bras pour la transporter dans la maison,
toute sa joie, violemment refoulée dans son cœur, y fit place au délire
du plus affreux désespoir. Dès qu'Elisa fut entrée, voyantM me Meycr
revenir dans la cour, il courut se jeter dans ses bras et ces deux
êtres, qu'unissait une douleur commune, s'inondèrent en silence
de larmes amères.
   Bientôt ils entrèrent dans la maison en essuyant leurs pleurs.
Elisa, restée seule, étendue sur un sopha, parcourait, de ses regards
éteints cette nouvelle demeure qu'éclairait faiblement le jour à son dé-
clin. Affaissée sous le poids de la fatigue et de l'émotion, une débile
langueur enchaînait ses membres et ne laissait luire en son âme que
les ternes lueurs de souvenirs confus, auxquels se mêlait une tris-
tesse sans espoir et sans courage. Quand sa mère rentra et vint s'as-
seoir auprès d'elle, prête à lui parler de Widmer, elle lui donna af-
fectueusement la main, mais sans rompre ce lugubre silence. Durant
ces instants, Widmer, errant dans lo corridor voisin, entrevoyait,