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368 homme n'élait point abaitu, de trop forts sentiments l'agilaient, Tantôt se peignant un mal grave qui minait sourdement les jours de son amante, tantôt se prenant aux moindres signes de mieux qu'il découvrait dans les lettres de ma tante, il passait du désespoir le plus violent à la plus folle joie. Informé qu'Elisa avait franchi les Alpes, il volait à sa rencontre, lorsqu'il reçut quelques lignes de M me Meyer qui le priait d'attendre leur arrivée. Cette malheureuse mère, après avoir passé par les plus cruelles angoisses, forcée enfin par l'état de sa fille de s'arrêter dans le petit hameau de Saint-Bran- chier,avait cru ne pas la ramener vivante jusque dans ses foyers ; et, après s'être remise en route, elle redoutait que l'apparation sou- daine de Widmer et les émotions d'une entrevue, ne vinssent rom- pre le fil léger auquel tenaient encore les jours d'Elisa. Le premier vendredi de septembre, ces dames arrivèrent. Widmer s'était éloigné sur le conseil de matante. Il se tenait sous ces arbres touffus qui dominent la maison. C'est de là qu'il aperçut Elisa, pâle et changée, à demi-couchéedans lo fondd'une voiture ouverte. Tout entier au bonheur de la revoir, sou cœur bondissait de plaisir, et il attribuaita la faligne du voyage ce qui le frappait dans les traits et dans l'attitude de son amante. Mais quand il eût vu le voiturin s'ap- procher et la prendre dans ses bras pour la transporter dans la maison, toute sa joie, violemment refoulée dans son cœur, y fit place au délire du plus affreux désespoir. Dès qu'Elisa fut entrée, voyantM me Meycr revenir dans la cour, il courut se jeter dans ses bras et ces deux êtres, qu'unissait une douleur commune, s'inondèrent en silence de larmes amères. Bientôt ils entrèrent dans la maison en essuyant leurs pleurs. Elisa, restée seule, étendue sur un sopha, parcourait, de ses regards éteints cette nouvelle demeure qu'éclairait faiblement le jour à son dé- clin. Affaissée sous le poids de la fatigue et de l'émotion, une débile langueur enchaînait ses membres et ne laissait luire en son âme que les ternes lueurs de souvenirs confus, auxquels se mêlait une tris- tesse sans espoir et sans courage. Quand sa mère rentra et vint s'as- seoir auprès d'elle, prête à lui parler de Widmer, elle lui donna af- fectueusement la main, mais sans rompre ce lugubre silence. Durant ces instants, Widmer, errant dans lo corridor voisin, entrevoyait,