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357 d'elle, malgré ses chagrins, et supportait avec tant de patience la pétulance de mon jeure âge. Elle m'avait quelquefois parlé d'une fille à elle, mais ne l'ayant jamais vue, ce vague souvenir était presque entièrement sorti de ma mémoire. Aprèslamortdematante, j'entrai bientôt dans l'adolescence. Livré aux jeux et aux compagnons de mon âge, j'avais d'autant moins d'oc- casions de cultiver des relations de famille, que mon père, au milieu du dérangement de ses affaires et de quelques dérèglements de con- duite, les avait lui-même rompues et ne mettait aucun intérêt à me les faire entretenir. Insensiblement j'étaisdevenu tout-à -fait étranger à ma propre famille, lorsque, après une jeunesse orageuse, l'événe- ment qui a décidé du reste de ma vie, contribua encore plus que tout le reste à me faire perdre la trace des parents qui pouvaient me rester alors. L'amour est toujours pour beaucoup dans notre destinée : il s'em- pare du cœur au commencement de la vie, il l'embrase, le domine et s'en joue comme le vent d'une feuille légère. Le jeune homme livre ses beaux jours à ce maître perfide, il se donne à ce guide aveugle, il entre à sa suite dans des sentiers dont les abords, tou- jours aimables et fleuris, masquent des issues bien diverses. Blême pour les plus heureux, les fleurs vont se fanant, le ciel perd son éclatant azur, la route, en se prolongeant, devient difficile ; mais jusqu'au dernier terme ils ont eu des fruits à cueillir et à savourer; à l'ivresse passagère ont succédé des biens moins brillants, mais plus durables. Pour les autres!... que de déceptions, que d'amers mécomptes, que de longs soupirs leur apprêtent ces courts moments d'enivrants transports! Combien s'avancent, par ce sentier fleuri, vers les bords ingrats, vers la grève désolée, vers l'affreux abîme ! Combien, sans même avoir goûté quelques instants d'une félicilé pure, nesortent du trouble de la passion ou des angoisses de la jalousie, que pour n'atteindre plus qu'à un calme sans douceur ! malheureux ! l'âme flétrie, le cœur épuisé, dépouillés, avant le temps, des illusions qui eussent été longtemps encore leur partage et leur joie.... C'est à ces derniers que j'appartiens. Comme une coupe remplie d'un généreux breuvage, mon cœur s'est versé tout entier dans un premier amour, il n'y est resté qu'une lie amère.... Ainsi, vieilli