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rir à son âge, en pleine vigueur d'esprit, dans toute la force et
toute la maturité de la vie philosophique; il se sentait retiré
d'un monde où il avait encore quelque chose à faire, où il
avait à prendre soin de plus d'une destinée, et de celles dont
la famille l'avait fait la Providence, et de celles dont la science
l'avait institué un des guides. Il pouvait donc bien dans ses
pensées garder encore, comme toujours, l'esprit lucide et
calme, mais qu'il devait avoir le cœur affligé et troublé ! El
cette épreuve s'est prolongée durant de longs jours et de si-
nistres nuits; elle a duré jusqu'à sa dernière heure, croissante,
pressante, lui laissant toute conscience, et lui enlevant toute
espérance, toute espérance terrestre du moins : car de l'autre
côté il espérait, comme il aimait, comme il croyait. Cette
épreuve a donc été plus décisive qu'aucune autre, elle a eu
tout le caractère d'une de ces voies de la Providence que
Dieu suit pour susciter dans ses meilleures créatures des ver-
tus d'un ordre à part, les vertus de la bonne mort. 11 faut
bien l'entendre ainsi, car autrement qu'eût-ce été de mourir
ainsi plein de jours pour le bien et avec tant de raisons de
garder et d'appliquer sa vie à tous les plus nobles buts que
puisse se proposer l'humanité? La mort pour la mort n'est
point une explication ; mais la mort pour la vie, c'est-à-dire
l'épreuve, sous sa dernière et funèbre forme, en est une, au
contraire, qui satisfait à la fois le cœur et la raison dans ce
qu'ils ont de meilleur.
   M. Jouiïroy a donc subi la loi commune de l'humanité,
c'est-à-dire qu'il est mort comme il a vécu dans l'épreuve.
Mais également selon cette loi, qui, si elle assujettit l'homme
à la douleur, ne l'y assujettit pas exclusivement, et lui fait
aussi pour le soutenir, et en raison de ses mérites, comme
une sorte d'avance sur le bonheur infini que l'éternité lui
réserve, il eut bien ses douces joies. Il eut celles de la
pensée alors que, dans l'enthousiasme et l'élan de la jeunesse