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273 ou dans la puissance de l'âge mûr, il s'élevait d'inspiration, ou par l'analyse et le raisonnement, à l'intelligence ou à la dé- couverte de quelque grande vérité, il eut celles de la parole, quand, dans quelques-unes des belles leçons dont il ravissait son auditoire, il entraînait les esprits par la lumière et le mouvement, l'éclat et l'élévation de son noble discours; il eut les saintes joies de la famille, de l'amitié et de la r e - "ligion, et, parmi toutes ces félicités, il fut toujours exempt de ces tristesses fâcheuses qui naissent des mauvaises passions, de la haine, de l'envie; de ce côté il fut heureux, heureux comme il est donné de l'être aux généreuses et grandes na- tures. Mais après tout, cependant, sa vie fut une épreuve. Que fera donc Dieu de cette destinée qui lui vient ainsi toute préparée pour la justice et la récompense ? La lermi- nera-t-il à la tombe? La brisera—t-il là où il semble si juste qu'elle doive se continuer et se renouveler? Mettra-t-il au néant ce qui a tout droit de durer? Quand de quelque chose de bien il peut faire quelque chose de mieux, procé- dant à contre-sens de son caractère de créateur, du bien fe- ra-t-il le moins bien, ou plutôt du bien ne fera-t-il rien? Ne recueillera-t-il pas pieusement ces grandes facultés dont il s'est plu à douer une de ses créatures d'élite, qu'il a suscitées en elle par la grâce et développées par l'épreuve? Ne les recueillera-t-il pas pour l'éternité? Ne les prendra-t-il pas pour les conserver dans cette vive unité qui les a produites et portées, avec ce qui en fait véritablement l'essence et la vertu, je veux dire la conscience, la liberté et la personna- lité ? De toutes les forces de ma raison et du profond senti- ment que j'ai du bien, du vrai, de l'ordre et de la Provi- dence, je repousse un tel doute. Pâle fleur qu'il vient d'abattre, il ne t'a pas brisée sans retour, et, de la même main qu'il t'a un moment flétrie et dépouillée, il te relèvera plus bril- 18