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270 éternité vivifiante qu'elle devait lui ménager pour réparer les retards et lever les empêchements apportés présente- ment à sa vive pensée. De sorte qu'après tout, Messieurs, si nous en jugeons d'après cette croyance, la perte n'a pas été pour lui, qui a maintenant les siècles sans fin et de divines facilités pour se développer et se perfectionner; elle a été pour nous, qu'il a laissés privés de son grand esprit et des beaux témoignages qu'il en pouvait encore donner. Mais, Messieurs, M. Jouffroy, comme au reste avec lui bien d'autres dans tous les rangs et dans tous les partis, fut encore éprouvé d'une plus cruelle façon. Eut-il l'ambition politique? Je pourrais l'avouer, car elle eût été chez lui lé- gitime et bien placée. Mais s'il l'eut, ce fut malheureusement sans certaines des conditions qu'elle impose et entraîne; ce fut sans cette conduite et ces pratiques, sans tous ces moyens divers de défense ou d'attaque qui en font à la fois le succès et la sûreté. Il l'eut comme une idée, et non comme une action ; il l'eut inoffensive, solitaire et désarmée, et, qu'on me permette le mot, dans l'innocente sécurité de la pure spéculation. Et voilà pourquoi, le jour où imprudem- ment peut-être, mais du moins loyalement, il se laissa aller à une démarche qui le jeta dans l'arène, quoiqu'il ne fît, au fond, que ce que bien d'autres auraient fait, à la manière dont il le fit, il trouva, à son grand étonnement, peu d'auxi- liaires pour le soutenir, beaucoup d'adversaires pour l'attaquer. Pourquoi? parce qu'il n'avaitpas cette habileté, il faut le dire un peu mondaine, qui ne vient pas toujours de la meilleure et de la plus noble estime des hommes, mais qui est souvent nécessaire pour les conduire et les gouverner; parce qu'il avait des vues, et point de menées, et qu'en croyant sincère- ment s'adresser à des intelligences, il oubliait un peu trop qu'il s'adressait aussi à des passions. Voilà donc quelle fut sa situation : elle fut triste et difficile ; et, s'il ne l'avait pas