Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                           83
A qui touche sa fleur, et j'en fis un bouquet,
Un bouquet tout modeste et de couleur discrète ;
Des feuilles se plissaient autour en collerette,
Afin qu'enseveli dans l'humide fraîcheur,
Il eût tout son parfum et toute sa splendeur.
Vous me sembliez déjà touchée et satisfaite
De quelques pauvres fleurs et vous leur faisiez fête;
Car, la plus simple offrande où le cœur a sa part
Mieux qu'un don précieux réjouit le regard.
Aussi, d'un pied plus leste et l'ame plus tranquille,
 Le soir étant venu, je regagnai la ville ;
Je vous vis et bientôt je vous eus raconté
Ma promenade aux champs, mon bouquet rapporté;
Et je guettais l'instant où, sans être surprises,
Mes fleurs entre vos mains pourraient être remises ;
Etjusques au départ je guettai, mais en vain ;
Mes inutiles fleurs restèrent dans ma main.
Sans que même aujourd'hui j'en comprenne la cause,
Je devins tout à coup d'une humeur si morose,
Que, pareil aux enfants qui boudent, je m'en fus
Me cacher dans mon lit. — J'en étais tout confus.
J'allais pleurer. Mesfleursme paraissaient vieillies.
Qu'avais-je donc gagné de les avoir cueillies?
Desfleurs!... pourquoi des fleurs? Un sage eutdit: Laissons
Mourir la violette à l'ombre des buissons.
Pourquoi, plus qu'il ne faut, tirer le miel des choses ?
Où Dieu n'en a pas mis pourquoi mettre des roses?
Laissons, au lit prescrit que le hasard lui fait,
L'amitié couler lente et comme au ciel il plaît.

A ces raisonnements, perfide stratagème
D'un cœur découragé qui se trompe lui-même,
Je me laissais aller.—Puis, les difficultés,
Les contretemps amers par chaque heure apportés,
Les mille achoppements, les mille circonstances,
Qui ne devraient servir qu'à doubler nos constances,