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Le printemps qui, partout où son beau pied se pose,
Fait palpiter la glèbe et jaillir une rose,
Qui s'en va, déliant les sources dans les bois,
Mettre la feuille à l'arbre et dans l'arbre des voix.


Et par mon rêve ainsi mené, je m'achemine
Hors des murs de la ville, en prenant la colline,
Vers l'enclos paternel où nous passons l'été
Et que de tout l'hiver je n'avais visité ;
Humble enclos, vous savez, mais d'où la perspective
S'étale éblouissante aux yeux, dès qu'on arrive :
Radieux paysage en arène creusé,
Le Rhône au flot royal par la Saône épousé,
La ville, à gauche, ouvrant sa carrière de pierre
Et par groupes, semés dans la campagne entière,
Des fermes aux murs blancs, des bourgs, et puis enfin
Les Alpes déroulant leur chaîne pour confin.


Là, j'aspirais à l'aise et de toute ma force
Les senteurs de la feuille et de la jeune écorce,
L'odeur des prés naissants et l'arôme subtil
Que la terre amoureuse exhale au mois d'avril ;
J'admirais ce grand lit de fleurs et de verdure
Que pour ses jours d'hymen se faisait la nature,
Et me sentantalors renaître, je me pris
A penser doucement à ceux que je chéris,
A vous, cœur tendre et fier, à notre amitié sainte
Que devant l'homme et Dieu je puis dire sans crainte.


Et comme je savais qu'à la maison, le soir,
Auprès des grands parents je devais vous revoir,
Je me mis à cueillir sur les bords de l'allée
La violette au fond des gazons recelée,
La pensée adressant comme un salut muet