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                     LES SIRES DE BEAUJEU                    219

  déshonoré. Non, il n'est pas vrai de dire qu'il permet au
 mari de battre sa femme : il ne permet rien, il restreint
 simplement le droit du seigneur à se mêler des querelles
 conjugales. Il reconnaît au mari la pleine liberté qu'il doit
 avoir à son foyer, liberté dont il peut abuser, dont quel-
 ques-uns abusent trop souvent, mais au fond liberté utile et
 respectable en soi, et qu'il était d'autant plus sage et libéral
 de garantir la plus grande possible, contre les entreprises
 du seigneur, que dans ces temps troublés elle était plus
 exposée à être violée par celui-ci ou par ses officiers, et que
 la liberté politique n'existait pas, même de nom. Ce n'était
 pas une mince satisfaction pour un bourgeois de ce temps,
dont les droits étaient mesurés au dehors, de penser qu'en
rentrant dans sa maison il aurait l'avantage d'être à l'abri
de toute vexation étrangère, et que son autorité y serait
respectée. Il pouvait se dire en toute assurance : « Char-
bonnier est maître chez lui. »
    Sans doute dans quelques cas particuliers cet article pou-
vait avoir des inconvénients et livrer sans défense une
femme à un mari brutal. Mais la loi doit considérer le bien
général et non les intérêts particuliers; et il eût été bien
plus dommageable à la communauté des citoyens, d'ouvrir
la porte du foyer à des investigations trop arbitraires, sous
un prétexte plus ou moins plausible. Ce danger était d'autant
plus à redouter que les seigneurs hauts justiciers multi-
pliaient les causes d'amendes, afin d'avoir plus d'occasions
d'augmenter leurs revenus.
    L'article 300 du Code civil n'admet la séparation de
corps que pour les injures et les sévices graves; autorise-
t-il pour cela les sévices ordinaires ? Evidemment non. Ainsi
en est-il de l'article 63 des franchises de Villefranche ; parce
qu'il n'accorde au seigneur le droit de poursuivre le mari