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                        LE CHRIST D'iVOIRE                    183

   lui fallait encore les leçons d'un maître. Or, ce maître, il
   ne pouvait le trouver qu'en Italie, et c'est là seulement que
   l'étude des œuvres de l'antiquité devait lui former le goût
   et compléter les leçons qui lui étaient nécessaires.
      Mais un voyage et, plus encore, un séjour en Italie exi-
  geaient de fortes dépenses, et Paul Salviati était pauvre.
  Jamais il n'eût pu réaliser ce projet, objet de ses rêves les
  plus chers, si un vieux chanoine, témoin de ses heureuses
   dispositions et désireux de pouvoir assurer le plein déve-
  loppement de ses talents, ne lui en avait fourni les moyens.
      A cette époque, tous les grands sculpteurs, qui s'étaient
   honorés du titre d'élèves de Michel-Ange, étaient morts; on
   ne vivait plus guère que de traditions et les maîtres man-
  quaient aux jeunes élèves. Après avoir visité Rome et les
  principales villes de l'Italie, Paul Salviati trouva pourtant un
  sculpteur de talent, qui consentit à lui enseigner les secrets
  du grand art. C'était Girolamo de Ferrare, le dernier des
  élèves de Sansovino.
      Paul Salviati travailla pendant cinq années, dans l'atelier
  de ce maître habile. Mais avec le talent naturel dont il était
  doué, ce fut assez et quand il revint à Arles, c'était déjà un
  maître.
      Quelques ouvrages d'un goût achevé suffirent pour le
  faire connaître bientôt dans toutes les villes voisines. Et,
  comme il s'était attaché surtout à l'art religieux, tous les
  monastères de la contrée lui confièrent des travaux. Pour
„ la chartreuse de Villeneuve, c'était une statue de saint
  Bruno ; pour celle de Marseille, fondée tout récemment,
  une Marie-Magdeleine, pendant que les Bénédictins de
  Montmajour demandaient à son ciseau les images de saint
  Trophime et de saint Césaire, deux saints vénérés entre
  tous dans la célèbre abbaye.