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182                    LE CHRIST D'IVOIRE

représentants de ce monde surnaturel, dont la légende nous
a gardé le souvenir. De même, dans les bas-reliefs qui en
décorent le pourtour, il aimait à retrouver, sous une forme
réelle et vivante, les épisodes les plus saisissants qui rem-
plissent les pages de l'Ancien et du Nouveau Testament où
il avait appris à lire.
   Aussi l'enfant avait-il gardé une impression profonde et
ineffaçable de ces tableaux et de ces figures, auxquelles nos
vieux imagiers du Moyen Age ont donné une expression
de foi et de grandeur mystique incomparable. Et quand,
le soir, il quittait la vieille basilique et l'école, où les belles-
lettres étaient enseignées aux jeunes clercs, pour rentrer
dans la maison de son père, on le vit, de bonne heure,
essayer de reproduire sur du bois, quelques-unes de ces
images qu'il avait contemplées, dans la journée. Tantôt
c'était un évêque, au doigt élevé, bénissant les fidèles,
tantôt un saint martyr, tenant dans ses mains le glaive ou
l'instrument de torture, qui rappelait le genre de mort qu'il
avait subie, tantôt un saint de la légende, comme saint
Christophe, portant le Christ sur ses épaules et élevant un
regard étonné vers cet enfant, dont le poids lui semblait
lourd comme le monde.
   Quand Paul Salviati eut atteint sa dix-huitième année, il
avait rempli ainsi la maison paternelle d'images sans nombre,
reproduction fidèle et naïve des belles statues qui ornent les
piliers du vieux cloître de Saint-Trophime.


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  Mais ces ébauches imparfaites n'étaient que le gage d'une
vocation bien arrêtée. Pour devenir vraiment sculpteur, il