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                     LE CHRIST D'iVOIRE                    i8r




                              II


          COMMENT FUT FAIT LE CHRIST D'iVOIRE



   En 1636, vivait, depuis quelques années à Arles, un
sculpteur de talent, nommé Paul Salviati. A cette date,
il avait obtenu déjà une grande célébrité. Mais si ses
débuts avaient été modestes et laborieux, une vocation
invincible l'avait poussé vers cet art, qui devait l'illustrer.
Fils d'un pauvre ciseleur sur bois, il avait été attaché, bien
jeune encore, comme enfant de chœur, à la cathédrale de
Saint-Trophime. Sérieux et appliqué à l'étude, l'enfant
avait peu de goût pour les jeux de son âge, et pendant que
ses jeunes camarades s'y livraient avec ardeur, on le voyait,
fréquemment, se promener seul sous les sombres voûtes
du cloître célèbre de cette église, en contemplant, avec
une vive attention, les admirables sculptures qui le
décorent.
  A cette époque, où ce beau monument n'avait pas encore
subi les outrages du vandalisme révolutionnaire, il s'offrait
aux regards sous un aspect autrement pittoresque que de
nos jours. Ces grandes statues de pierre, qui le regardaient
avec leurs yeux fixes et profonds, remuaient le cœur de cet
enfant, que le sentiment du beau avait saisi, dès le premier
jour. Transfigurés à ses yeux par l'auréole de sainteté, ces
apôtres, ces pontifes et ces vieux moines qui ornent ces
portiques, semblaient à sa jeune imagination, comme les