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D'ALPHONSE DAUDET 265 finesse. Ses vers de huit syllabes sautillent gentiment et fourmillent de traits heureux. Un jeune homme et une jeune fille se rencontrent sur le pavé de Paris; ils se plaisent mutuellement, et chacun de son côté court s'ouvrir à ses parents du mariage projeté. Mais, ô bizarre caprice du sort ! le père du jeune homme est suisse ou bedeau à Saint-Louis-du-Marais ; la mère de la jeune fille est concierge de la synagogue israélite. Grande colère de part et d'autre, et refus formel de consentir a une union si mal assortie. Les amoureux se désolent; puis ils se calment, ayant formé chacun dans le secret de son cœur, un dessein qui doit tout arranger. En effet, la jeune fille se prépare pour le baptême, et le jeune homme pour la circon- cision. Stupeur quand ils se révèlent mutuellement leur secret, se trouvant aussi peu avancés que précédemment. Le sujet est un peu léger, le récit un peu vif; mais c'est du Gresset; d'un Gresset du xixe siècle; vrai parisien, gamin et gouailleur. On peut alléguer pour sa défense que Vert-Vert et le Lutrin vivant ont des passages plus risqués, et ne sont pas toujours aussi amusants. Mais je m'attarde aux menus ouvrages de M. Daudet, et je n'aurai plus le temps de parler de ses grands romans. Heureusement, il ne les énumère pas tous, nous réservant sans doute un second volume de confidences. Il ne parle cette fois que de Petit Chose, de Tartarin (le premier, celui de Tarascon), des Lettres du Moulin, de Jack et de Fromont jeune et Risler aîné, l'œuvre capitale qui lui a assigné son rang parmi les romanciers contemporains. Ce qui nous intéresse dans les souvenirs sur Petit Chose, c'est le partage exact que fait M. Daudet entre la biographie personnelle et la fiction romanesque. Toute la deuxième partie, l'amour pour la fille du fayencier, et le singulier