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84 UNE ÉVASION A PIERRE-SCrZE l'intérêt sur moi, et serait peut-être utile à mon avenir dans la carrière des armes ; mais toutes mes réflexions me ramenèrent à ma situation du moment. Que vais-je deve- nir?... Je ne savais pas où j'étais; je n'avais pour vêtement qu'une mauvaise veste de nankin, déchirée dans le combat, point de chapeau sur ma tête; mes jambes étaient abîmées par les ronces au milieu desquelles j'avais sauté en bas de la tour, et qui hérissaient le chemin en glacis qu'il m'avait fallu traverser avant d'arriver au champ de bataille. Tout ce désordre de ma personne, ces lambeaux ensanglantés me donnaient l'apparence d'un misérable qui vient de faire un mauvais coup. Mon bon ange me fit apercevoir une maison bourgeoise à peu de distance, et en même temps un parti- culier qui se promenait assez près pour me laisser supposer qu'il en était le propriétaire. Il pouvait être neuf heures du matin, et comme nous étions au mois de juillet, il com- mençait à faire très chaud. Je me décide sur-le-champ, et je vais à la rencontre de mon inconnu, qui se trouve, par bonheur pour moi, le plus brave homme du monde: M. Bontems, négociant, rue Mercière, à Lyon ; j'ai été assez heureux pour reconnaître depuis le service qu'il m'a rendu. Il ne m'aperçut que quand je me trouvai à huit ou dix pas de lui. Il avait une belle figure, beaucoup de cou- leurs; à mon aspect inattendu, le pauvre homme devint d'une pâleur mortelle, tout tremblant, les yeux fixés sur la rcosse de mon pistolet, qui sortait de ma poche : il demeura immobile sans pouvoir proférer une parole. « De grâce, mon bon Monsieur, lui dis-je, rassurez- vous; écoutez-moi : oubliez un instant l'horrible état dans lequel vous me voyez : je suis le plus heureux des hommes, je viens de conquérir ma liberté ; ce tocsin qui sonne là - haut, et que vous entendez distinctement, il sonne à cause