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UN VOYAGEUR ANGLAIS A LYON 413 tenu au pape. J'ai beaucoup parlé avec lui en latin, et il m'a dit qu'il était né à Rome. Je l'ai trouvé bonhomme, mais il parlait un assez mauvais latin, comme un Priscianiste le peut faire. « J'ai logé à l'enseigne des Trois Rois ( i ) . C'est la plus belle auberge de toute la ville, la plus fréquentée, et celle où descendent les personnes de marque. Avant que je n'y arrive, c'est là qu'était descendu le comte d'Essex avec toute sa suite ; il y était arrivé le samedi et en était parti le jeudi suivant, un jour exactement avant celui où j'y suis venu. Au moment où j'y étais, s'y trouvait également M. de Brèves, un des grands nobles de France, qui pendant de longues années avait été ambassadeur à Constantinople, et allait à Rome en qualité d'ambassadeur (2). Il avait dans sa suite deux Turcs qu'il avait ramenés de Turquie ; l'un de ces deux était un Maure nègre, qu'il avait en qualité de fou et qui était un très amusant et très joyeux compagnon. Dans tout le voyage, ce Maure ne portait pas de chapeau ; quand il nous rejoignit à cheval sur la route, il n'en avait pas, et, quand il était arrivé dans une ville, ses cheveux naturels, qui étaient à la fois épais et naturellement bouclés, avaient une telle hauteur qu'ils lui tenaient lieu de chapeau. « Le second Turc était un homme distingué et dans son genre très lettré, car, outre cinq et six langues, il parlait très bien le latin. Il était né à Constantinople. J'ai causé avec lui en latin sur beaucoup de matières, et entr'autres (1) Cette hôtellerie se trouvait rue de Bourgneuf, près la rue de l'Angile. (2) François Savary, comte de Brèves, avait accompagné à Constan» tinople son oncle Jacques de Savary Lancosme en 1581, et fut ambassa- deur en titre de 1591 à 1606. Ses voyages ont été imprimés après sa mort en 1628. Son ambassade à Rome est de 1608.