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                           ORGUEIL                         .011
se demandait s'il n'était pas encore dans la salle du festin,
subissant sous la table un drôle de cauchemar. Il contem-
plait M. le baron qui était là tout tranquille, en justaucorps
de buffle, la dague à la ceinture, jouant négligemment avec
son sifflet d'appel : — petite tenue de chasse de l'époque.
    « — La reddition du fort! s'exclama enfin Pudding,
 après s'être mordu la lèvre jusqu'au sang pour s'assurer
 qu'il était bien éveillé:— la reddition du fort! Et qui le
 prendra?... Vos chèvres? A h ! ah! ah!
   « Cette idée parut si plaisante à l'Anglais qu'à deux
mains il se serra les flancs et rit longtemps sans pouvoir se
 remettre. Ses soldats regardaient ahuris.
   « M. le baron attendait patiemment qu'il eût fini.
   « — Arrêtez-moi ce, ce... cet homme!
   « Les soldats hésitèrent.
   « — Tout doux, beau sire, fit le brave seigneur avec le
plus grand sangfroid, oyez-moi donc un instant, s'il vous
plaît, et j'ai tout lieu de croire que vous cesserez de rire :
Mes hommes d'armes se sont emparés de tout le reste du
fort pendant que vous étiez ici à bayer aux corneilles ; ils
ont tout doucement tué ou bâillonné ceux de vos gens qui
n'avaient pas été assez curieux . Madame Pudding et mon
brave piqueur Durand sont dans le souterrain aux poudres,
occupés à deviser de douces choses ; seulement, Durand
tient une mèche allumée, prêt à nous faire gentiment sau-
ter si vous n'êtes pas sage et si je ne l'ai pas rejoint dans un
quart d'heure.
   « Le Grand-Carotte ne riait plus maintenant. QuandM. du
Fossat lui eût parlé irrévérencieusement de sa femme, il lui
sembla « qu'il voyait rouge », et, tirant son poignard, il
fondit tête baissée, comme une bête féroce, sur son ennemi
qui s'y attendait un peu et esquiva le coup.
   « Ce furent les soldats anglais qui le désarmèrent tout