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                  DEUX MOIS EN ESPAGNE                    ^95

casé entre deux malles, sous la bâche d'une diligence, et
après une nuit passée fort médiocrement dans cette espèce
de cage, dont la pluie m'empêchait de sortir la tête, je me
trouvai le matin à San-Cheridan, où je pus m'établir dans
un bon coupé du chemin de fer qui mène à Valladolid.
    J'arrivai, sur les deux heures de l'après-midi, dans cette
capitale de la Nouvelle-Castille, après avoir traversé force
plaines de blés et pâturages arides, et n'avoir vu que quel-
ques villages groupés près de châteaux en ruines ; comme
j'avais d'excellentes raisons pour me reposer la nuit, j'eus
beaucoup plus de temps qu'il ne m'en fallait pour visiter la
ville.
    Elle n'a de remarquable que sa grande place, ouvrage des
 anciens rois de Castille ; c'est un ovale très allongé, coupé
par deux pâtés de maison qui en forment trois places liées
ensemble par une très large rue ; cette disposition assez ori-
ginale, dominée par l'hôtel de ville surmonté de deux clo-
chetons singuliers, et entourée de deux bâtiments perchés
sur de hautes colonnes qui soutiennent des galeries tout
autour de la place, n'est point trop déplaisante, surtout le
soir, quand une foule nombreuse et chamarrée de toutes
 les couleurs, vient caqueter et respirer le frais sous ses ar-
 cades.
     Valladolid, dont la garnison n'a pas moins de trois régi-
 ments, est encore une grande ville, mais en pleine dé-
  chéance, malgré un peu de commerce ; ses constructions
  élégantes datent de loin, et sa population attend avec une
 patience espagnole, que les étrangers viennent lui construire
 un chemin de fer, pour la sauver de sa ruine.
     Je ne pus voir cependant son musée qui, dit-on, en vaut
 bien la peine; je la quittai le lendemain par une voie fer-
 rée qui se bifurque à une petite distance, et après cinq
  heures de trajet, dans de grandes plaines qui n'offrent d'au-