page suivante »
546 CAILHAVA la pièce d'eau. Comme ils sont épanouis, larges et ou- verts ; quelle fleur magnifique ! je vais en cueillir une ! Et le voilà qui s'élance vers le bassin perfide, met un pied sur la planche, s'avance étourdiment, se penche et culbute au milieu des plantes aquatiques qui le reçoivent comme un matelas. L'explosion d'hilarité, cette fois, n'eut plus de bornes. Les trépignements, les convulsions saisirent les convi- vesjles mains sur les hanches, littéralement ils étouffaient Boitel remis sur ses pieds s'approchait du bord, couvert d'herbes et de joncs, comme un dieu marin. Arrivé contre la margelle du bassin, il tendit une main ruisselante à ses amis et implora leur secours. Mais ceux-ci étaient bien trop occupés des explosions de leur folle joie. A la stupéfaction du malheureux naufragé, tous restèrent en place, trépignant, tournant sur eux- mêmes, et se livrant à des torsions et à des éclats de rire convulsifs que rien ne pouvait arrêter. Boitel, le bon Boitel, blessé cette fois par ce procédé inconvenant de la part de tant de gens qu'il aimait, se coucha sur la dalle mouillée, au grand détriment d'un gilet blanc superbe et d'un habit noir tout neuf. Il sortit de Tonde un pantalon d'une coupe irréprochable et se hissa comme il put hors du malencontreux bassin. Il ruisselait de la tête aux pieds. Sa figure pâle reflétait un indicible et douloureux étonnement. Il fit un pas, mais personne ne s'approcha de lui et les rires continuèrent toujours. Attiré par le bruit, Cailhava parut sur le seuil.de sa demeure. . — Est-ce fait ? s'écria-t-il. — C'est fait, répondirent les rieurs. — Mon cher Boitel, comme votre chute était prédite et