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CAILHAVA 547 prévue, veuillez entrer ; vous trouverez, ici à côté, de quoi vous changer complètement. Boitel resta interdit. — Allons, hâtez-vous, nous dînerons en vous atten- dant. Quelqu'un put souffler au malheureux la prophétie burlesque de Bonnefond. A son tour, l'excellent Boitel prit part à la commune hilarité, et trempé comme un bar- bet qui sort de la rivière, laissant une longue trace hu- mide derrière lui et souillant parquets et tapis, il courut se changer. Mais la joie n'était pas finie et les éclats de rire repri- rent de plus belle, quand on vit entrer dans la salle à manger et s'approcher de sa chaise vide le mince et svelte naufragé perdu dans les immenses vêtements de Cailhava. David affublé delà dépouille de Goliath, Clorinde dans la cuirasse d'Argant, Mlle Pati dans la robe de l'Alboni, M. Thiers dans la défroque d'Alexandre Dumas n'auraient pas eu plus fantastique tournure. Mais Boitel qui,cette fois, avait repris sa verve et sa gaîté, tint tête aux rieurs, leur renvoya d'une main leste leurs traits piquants et leurs quolibets, puis bientôt lancé lui-même par les vins gé- néreux ou plutôt par l'atmosphère générale, et monté au diapason de tous, il se prit à leur conter par bravade sa fameuse visite à madame Desbordes-Valmore, scène désopilante qu'il racontait volontiers dans l'intimité. Qui n'a pas entendu dire à Boitel cet épisode de sa vie litté- raire ne connaît complètement ni le fondateur de la Revue du Lyonnais, ni l'habile imprimeur du Lyon ancien et mo- derne, ni l'auteur de ces poésies délicates et charman- tes, qui, sous le titre de Feuilles mortes, révèlent tant d'imagination, de fraîcheur et de sensibilité. AIMÉ VINGT RINIER, [A continuer.)