Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
540                      CAJLHAVA

 penchés coloraient vivement du bon côté, les arbres, les
 fabriques et les maisons de la plaine du Dauphiné. Les
 cimes des Alpes resplendissaient comme des phares; au
pied de la colline, le Ehône.et la Saône ressemblaient
 à deux neuves d'acier brûlant; la plaine entière paraissait
 calcinée et les chaudes vapeurs qui s'élevaient d'ici et de
là au-dessus des Brotteaux Rouges, faisaient plus vivement
apprécier l'épaisseur de l'ombrage que projetaient les vieux
tilleuls, et la bise rafraîchissante qui se jouait dans leurs
rameaux.
   En ce moment, un groupe nombreux d'artistes, invités à
dîner chez Cailhava, s'extasiait devant le magnifique pano-
rama de la terrasse. Là, comme au temps où vivait Jean
Thierry, se trouvait l'élite de TEcole lyonnaise.
   Parmi les célébrités dont le nom a survécu, on remar-
quait Bonnefond, le puissant coloriste, le maître au pin-
ceau vénitien qui eût illustré la France par son génie, si,
s'arrachant aux cagnardises de la province, il eût habité
Rome ou Paris; Trimolet, l'archéologue, dont la brosse
habile, se jouant des difficultés, tantôt rivalisait avec les
Flamands pour la finesse et la perfection des détails, tantôt
se promenait large et fière sur la toile, comme si lui-même
eût été Florentin ; Genod, le peintre gracieux, écrivain
aimable, chansonnier facile ; comme Trimolet, se servant
également bien de la plume et du pinceau, et comme lui,
attiré dans toutes les fêtes qu'on voulait égayer par une
joie franche et de bon aloi ; Duclaux, le peintre fidèle des
animaux, le graveur au burin pur et sévère, le convive
à la causerie gauloise, telle qu'elle est admise dans la
bonne société; au milieu de ces maîtres, un autre maître,
le célèbre imprimeur Louis Perrin, aussi bon dessinateur
que ses amis, et créant lui-même ces fleurons délicieux,
ces lettres ornées charmantes, ces culs-de-lampe si fins,