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300 IACITK l'esprit humain? Malheureusement, cette ordonnancene fut point exécutée, parce que Tacite régna six mois à peine, et le monde put continuera oublier notre historien. Très- probablement, on. se mit peu en peine d'en multiplier les copies, car, on ne multiplie guère les livres qui se lisent peu, ce qui explique comment Tacite a si mal résisté à a b a n d o n où les longs siècles du moyen-âge condamnè- rent les classiques latins. Ici, une nouvelle énigme se présente : A quoi faut-il attribuer le discrédit précoce dont Tacite a été l'objet, même au sein de l'ancien monde littéraire? En ce qui concerne lés chrétiens, il me semble que la réponse se présente d'elle-même. Ceux-ci ne pouvaient voir, dans Tacite, malgré sa grande valeur historique, qu'un ennemi acharné. Et, qui sait ce que renfermaient encore d'hostile à la religion du Christ, les parties que le temps nous a ravies? Les chrétiens ne pouvaient donc populariser Tacite. Quant aux païens, la réponse est tout aussi facile à trouver. A dater du siècle des Antonins jusqu'à la chute de l'Empire, quelle corruption n'envahit pas la société romaine? De là , une décadence graduelle et irrémédiable des sciences, des arts, de la philosophie et de toute litté- rature. Combien la sévérité des principes, l'élévation des idées, l'énergie et la gravité du style de Tacite durent sembler fastidieuses, au milieu d'une civilisation abâtar- die, dépourvue de virilité et ne répondant qu'aux appétits sensuels! Combien dût-on lui préférer les productions médiocres qu'enfantait la veine épuisée de cetâgel Car à des esprits ravalés au niveau de la terre, ce ne sont point les œuvres du génie qu'il faut offrir, on ne les comprendrait p a s ; ce sont plutôt des compositions qui se traînent et soient en rapport avec la vulgarité des âmes. Nous pouvons juger de ce qui a dû arriver, pendant les derniers siècles du monde romain, par ce que nous voyons se passer, dans la période que nous traversons du monde moderne. Si vous exceptez cette faible réserve d'esprits %