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TACITE 291 ticulièremt compludans ces portions de son travail. Et, s'il m'était permis d'exprimer mon opinion sur une partie plus étendue, je dirais que l'essai, sur les mœurs des Germains, est peut-être le chef-d'œuvre de notre historien. Ou a émis un doute à l'égard de cet opuscule; on a dit qu'il était moins la peinture de la barbarie des Germains qu'une piquante satire de la civilisation dégénérée des maîtres du monde.'Je ne saurais partager ce sentiment. Que Tacite ait eu l'idée de critiquer la corruption des Romains, en montrant l'énergique rudesse de leurs ennemis, c'est possi- ble. Mais, que le tableau, si varié, si riche de détails, qu'il a ^racé de leurs mœurs, ne soit qu'une ingénieuse fiction., c'est ce qui est hors de toute vraisemblance. Et quoi donc! les barbares qui, au cinquième siècle, renversèrent les bar- rières de l'Empire, différaient-ils tant des Germains de Tacite? Plus tard même, sous Charlemagne, ne retrouve- t-on pas les compagnons d'Arminius, dans les Saxons de Witiking ? Tout récemment, en lisant une très-remarqua- ble Esquisse sur le nord-ouest de l'Amérique, par Mgr Taché, évêque de Saint-Boniface, j'ai cru revoir les sauva- ges habitants de la forêt Ilercinienne, dans les peaux rou- ges du haut Canada. Même fierté dans le caractère, même amour de l'indépendance, même taille, même force de corps, même intrépidité, même mépris de la mort, même cruauté, mêmes superstitions. Moins les noms, on dirait les mêmes peuples, soit que le Canadien et l'antique Ger- main aient puisé cette ressemblance à une origine com- mune, ce qui ne serait point improbable ; soit que l'in- fluence de l'âpre climat du nord suffise seul, en Amérique comme en Europe, à façonner des natures de bïonze et de fer. Depuis la Renaissance, la renommée de Tacite a éprouvé des fortunes diverses. Si, avant d'avoir lu cet historien, on voulait en prendre une idée favorable, il ne faudrait pas s'adresser à nos anciens humanistes; l'on ne rencontrerait chez eux qu'une appréciation sévère. L s