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                      TACITE


   J'ai trop lu Tacite, j'ai trop longtemps vécu avec lui,
pour ne pas avoir acquis le droit de dire ce que je pense
de cet éminent écrivain. Notre familiarité ne remonte pour-
tant point aux premières années de ma jeunesse. J'avoue-
rai que longtemps ce grand classique me tint à distance,
par sa gravité, la peine qu'il m'imposait pour l'entendre
enfin, par je ne sais quelle crainte révérentielle qu'il i n s -
pire dans les classes. Mais, peu à peu, comme par un b e -
soin instinctif de le connaître, je me rapprochai de lui. Il
me parut moins effrayant dès que je pus le toucher, et
bientôt je m'en fis un ami. Il faut aussi dire qu'il s'y prêta
Nous ne nous quittâmes plus. Pendant le cours de mes
études les plus disparates, un invincible attrait m'a cons-
tamment ramené vers lui, et je puis affirmer qu'aucun livre
ne m'a fait oublier le grand historien de l'Empire.
   Pour bien apprécier Tacite, il convient, je crois, de se
reporter à l'époque dont il s'est donné la mission d'écrire
l'histoire. La connaissance du milieu où vécut l'auteur
 servira puissamment à nous faire saisir le caractère de son
 livre. Quand il naquit, la maison d'Auguste achevait de
 régner. On se tromperait fort si l'on s'imaginait, qu'à cette
 première période du Césarisme, Rome retenait quelque
 chose de la Rome desScipions. Loin de là; elle n'était pas
 même la Rome de Marius et de Sylla; pas même celle des
 Triumvirs. Tout y était changé, tout, excepté les noms
 q u i , les révolutions accomplies, demeurent encore pour
 tromper la multitude. Sous le nouveau régime, elle pou-
 vait imposer par l'éclat d'une grandes!, matérielle et par le
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