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 prestige de la renommée, mais sa vie politique avait dis-
 paru.
    ISaguère, pendant les sangla es contentions de la no-
 blesse et du peuple, la gloire de. conquêtes venait contre-
 balancer le malheur des discordes civiles. Pendant les
 triumvirats, la lutte de la liberté contre le despotisme
 maintenait la fierté des caractères. Rome était déchirée
par les factions, elle gardait sa royale majesté. Mais,
 lorsque Auguste, par l'institution du principat, eut absorbé,
 dans la puissance tribunitienne, tous les pouvoirs de la
 République, une situation nouvelle commença pour Borne.
    Chose remarquable! A l'avènement du principat, l'inva-
 sion du monde et les guerres civiles s'étaient arrêtées
 comme de concert. Depuis ce moment, tranquille au centre
l'immense empire n'éprouvait plus d'agitation, si ce n'est
 à ses extrémités, semblable à l'océan qui bat encore ses
rivages, par sa propre inquiétude, alors que les tempêtes
ne bouleversent plus ses flots. Vous auriez dit la paix. Mais
 ce n'était point cette paix que chantaient,en si beaux vers,
Horace et Virgile, qui s'y méprenaient; ce repos fécond,
dans lequel un peuple jeune et vigoureux retrempe ses
forces pour entreprendre une nouvelle carrière; c'était
cette inertie qui suit une lassitude extrême, quelque chose
comme l'atonie. Le rôle glorieux du peuple romain était
fini, ou plutôt il n'y avait plus dépeuple romain, le césa-
risme le remplaçait.
   Ainsi annulée par ses maîtres, Rome subissait une ser-
vitude dont la monotonie n'était interrompue que par la va-
riété de la tyrannie. A la tyrannie énervante d'Auguste
avait succédé la tyrannie sournoise de Tibère, puis, la ty-
rannie furieuse de Caïus, puis, la tyrannie stupide de Clau-
de, aussitôt remplacée par la tyrannie fantasque de Néron.
Les rivalités de Galba, d'Othon et de Vitellius fondirent en-
suite comme un violent orage, après un calme étouffant. Il
est vrai que les douze années de Vespasien et les deux de