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216 BIBLIOGRAPHIE. te, et malgré soi la voix s'élève pour apprendre à tout ce qui vous entoure le bonheur dont on est inondé. L'homme alors chante ; la musique et la poésie s'unis- sent dans un accord qu'on peut bien appeler divin, car de tous les êtres, le roi de la création est seul à le pro- duire et à l'exprimer. La musique est naturelle à l'homme ; de tout temps, il a modulé des sons pour exhaler le trop plein de son cœur, bien plutôt que pour charmer l'oreille. Peu à peu, pour obéir à un besoin factice, il s'est occupé avant tout de l'oreille et il a créé des règles destinées à remplacer l'émotion. Pareil accident est arrivé à la poésie ; on a enseigné à l'homme à produire des secousses, en feignant d'en ressentir. On a joué la comédie du sentiment et on a gagné en perfection apparente ce qu'on perdait en agita- tion de l'âme et du cœur. Ce n'estpointun besoin factice de paraître qui a produit le petit volume que nous avons sous les yeux. Monsieur Philippe Delastre, médecin depuis trente ans |dans un tout petit village du Bugey, au pied du Colombier, non loin du Rhône et en face des grands pics de la Savoie, a su, malgré ses études au pays latin, garder un cœur neuf et simple dans sa poitrine. La poétique vallée qu'il habite est comme une petite Attique en miniature, et on y devient homme de lettres seulement par le frottement. Tout le pays est couvert de vieux châteaux ou d'habitations charmantes où l'on aime à pratiquer la science, la littérature et les arts. Là rési- dent pendant l'été M. Lenormand, le célèbre membre de l'Institut; ici M. Ferraz, le savant professeur de philoso- phie à la Faculté de Lyon; plus loin, dans le poétique châ- teau de Vongnes aux grands ombrages, Mme d'Orgeval, l'auteur de Marie de Savoie; là -bas, dans son vieux et