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                                 VII

Le héros ne vit pas tous tes malheurs, ô France!
Ce jour là fut suivi de tristes lendemains.
Nous pouvions bien gémir, lever au ciel nos mains,
Si sombre est cette page attachée à l'histoire,
Que nos petits enfants ne voudront pas y croire.
Le peuple, hier nommé la grande nation,
Paraissait poursuivi de malédiction.
Nos bourgs furent brûlés, nos villes fortes prises;
Nos légions marchaient de pièges en surprises.
C'est en vain que nos morts tombaient sur d'autres morts,
L'ennemi piétina tous ces monceaux de corps,
Et prit l'Alsace en pleurs, la Lorraine éperdue... !
Vers les événements j'avais l'àme tendue,
Et chaque nouveau coup me faisait tressaillir ;
Une autre âpre douleur vint de plus rn'assaillir.
Rien n'arrivait de lui ; pourquoi ce long silence ?
Peut-être expirait-il sur un lit d'ambulance ?
Etait-il prisonnier ? j'y perdais la raison.
J'allais interrogeant, de maison en maison,
Tous les nombreux blessés que nous laissait la guerre.
J'avais soigné des leurs comme l'on fait d'un frère,
Heureuse de pouvoir me dévouer ainsi;
Aucun ne put calmer mon lugubre souci.
Mon désespoir vers Dieu s'exhalait en prière !
Les tristes ont besoin d'une foi plus entière !
Je soupirais : « Seigneur ! si j'ai pu le donner,
x Serait-il tout meurtri, daignez le ramener ! »

Comment ne meurt-on pas d'une pareille épreuve ?
Les jours, les mois passaient; je pris l'habit de veuve;
Mais le cœur mieux encor sait se voiler de deuil...
Un matin, j'entendis s'arrêter, sur mon seuil,
Un pas; on m'appela.Quelle voix! Insensée
De l'espoir qui soudain traversa ma pensée,
Je me précipitai. C'était bien lui ! mon Dieu!
Quel changement depuis notre dernier adieu !




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