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168 POÉSIE J'avais comme la fièvre et la tête perdue : Malheur, désertion, à cette heure oubliés, Nous laissaient l'un à l'autre étroitement liés ; Et sa voix s'éleva plus douce qu'un murmure : « Toujours je t'aimerai, toujours, je te le jure ; « La Suisse est à deux pas avec la liberté, « Nous y ferons ce nid qui nous a tant coûté. « Mais tu dois cette nuit avoir courage encore, « Bien marcher pour pouvoir arriver à l'aurore » A ces mots, rappelant un reste de raison, J'échappai de ses bras et m'écriai : « Non, non ! « Tu ne comprends donc pas que partir serait lâche ! « Déserteur est un nom qui pour jamais entache. x Que dirait l'étranger, s'il nous voyait venir ? « Un dédain mérité peut-on le soutenir ? « Plus tard, quand nos enfants, parlant de cette guerre, « Viendraient nous demander : Que faisait notre père ? « N'apercevraient-ils pas, comme pour un affront, « Le rouge de la honte envahir notre front ? « Qu'importe la grandeur de notre sacrifice, « Quand le pays l'ordonne il faut qu'il s'accomplisse ! » Et, lui prenant les mains : « Au nom de notre amour, « Devant l'invasion je te pousse à mon tour, « Jamais, crois-le, jamais je ne serai la femme « D'un homme que l'honneur repousserait infâme. » La lune enveloppait de sa blanche lueur Son visage pâli, tout couvert de sueur. Debout, silencieux, pendant une minute, Il sembla chanceler, oh ! grande fut la lutte! Mais il était de ceux qui comprennent le beau, Pouvant, s'ils ont faibli, s'élever de nouveau, Effacer une faute en allant au martyre. Grave il me répondit : « Oui, j'avais le délire, « Je ne suis pas un lâche, et je le prouverai ; « Dans ce camp d'où j'ai fui, demain je rentrerai, « Je veux à ta hauteur me grandir, noble femme ! > Que se passa-t-il donc tout-à -coup dans mon âme.