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CHRONIQUE LOCALE La Revue est en retard. Elle aussi a eu à souffrir des maux de la guerre. Nous avons des travaux et pas d'ouvriers ; toute notre jeunesse est de- vant l'ennemi. Quatre de nos chers compagnons d'industrie et de travail sont prisonniers à Dresde. Nos lecteurs nous pardonneront cette irrégularité dans notre publica- tion. D'ailleurs, eux aussi sont pour la plupart au combat \ plusieurs sont prisonniers ; les autres ont bien d'autre soin que de s'occuper d'archéo- logie et d'histoire. Malgré tout, la Revu-! continuera son chemin. Sa route est tracée; elle doit recueillir des matériaux pour l'avenir, enregistrer les événements et préparer les Assises devant lesquelles comparaîtront les hommes et les choses d'aujourd'hui. On a beau changer des noms, effacer des mois, détruire, fondre ou renverser, il est un pouvoir au-dessus de celui des plâtriers et des ma- çons , des cordonniers, des marchands de vin et des galochers, c'est celui de l'impartiale et inflexible postérité. On no pense pas assez, on ne sait pas assez peut-être que si l'histoire a un Capitole, elle a aussi'des Gémo- nies, et que lorsqu'on y est on y reste. Aux Gémonies pourtant iront, et cela est aussi certain que la France n'est pas morte, aux Gémonies iront les Vandales, les destructeurs, les ico- noclastes, les tyrans grands et petits, les pillards, les incendiaires, les assassins. On a la force, on s'enivre du pouvoir, on fait tout plier, tout trembler jusqu'au jour où l'histoire vous prend, vous brise et vous flétrit. Prussiens et Badois, écumeurs du roi Guillaume, ravageurs de Frédéric- Charles, uhlans et cuirassiers blancs, Bismark, Moltke et Werder, pour ne parler ici que de ceux-là , en sauront un jour quelque chose. Mais s'il y a des larmes et des effrois dans nos villages de France, prêtez l'oreille ; il nous semble qu'on entend de bien nombreux sanglots là -bas, du côté de l'Elbe et du Weser. Chez nous , Lyon a moins que jamais son aspect actif et travailleur. Lyon est triste, il est sombre, li se réveille au son de la trompette et s'en- dort au bruit du tambour. Les promenades militaires , le passage des troupes, les costumes variés ou plutôt de fantaisie des volontaires et des francs-tireurs, le départ des légions de marche, au milieu des vœux de la population, les longues files d'ouvriers des chantiers nationaux qui vien- nent se plaindre à l'IIôtcl-de-Ville, donnent à nos rues un cachet inac- coutumé. La guerre n'a eu cet avantage que d'exciter l'imagination des combattants et des tailleurs. La fantaisie règne en maîtresse, coudoyant l'extraordinaire et l'imprévu. Voici les Volontaires algériens, beaux mili- taires et bons soldats, ils ont fait leur entrée escortés d'un bataillon de la garde nationale et précédés de la belle fanfare que dirige M. Luigini fils. Ainsi donc, voilà les descendants des Arabes de Moussa, d'Abdérame et de Tarik qui s'unissent aux volontaires espagnols, aux soldats d'Isabelle et de Ferdinand, pour délivrer la Gaule du joug des Saxons ! Voici les Chemises rouges de Mentana qui vont se battre pour la même cause que les Zouaves pontificaux, la Légion hellénique, beau* Grecs qui se souviennent de Navarin, les Éclaireurs polonais au costume coquet, les Ours de Nantes, couverts d'un pardessus à capuchon en peau de chèvre, vaillants et intrépides malgré leur ressemblance avec Robinson, les Dra- gons de la mort avec des parements blancs , les Pyrénéens, les Francs- Tireurs dcGucIma, ceux de Blidah,les Francs-Tireurs algériens, la légion africaine de Constautino aux turbans élégants, les Egyptiens aux chevaux de race, les Francs-Tireurs de la mort, la Compagnie du Sanglier des Ar-