Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
              LE BOUQUET FATAL

                     SOUVENIR DE JEUNESSE




   Aux premières lueurs de l'aube, en ces derniers jours du
 printemps où le soleil a tout son éclat sans avoir encore toute
 son ardeur, il est peu de promenades aussi délicieuses que celles
 que l'on fait dans le jardin du Luxembourg. Je parle du Luxem-
bourg tel que nous l'avons connu, et non point de celui qae
nous a fait M. Haussmann.
   Ce beau palais florentin, baigné par la lumière matinale ; ces
allées où miroite un sable fin; ces bassins où s'ébattent les cy-
gnes; ces avenues bordées d'arbres séculaires; ce jardin bota-
nique tout diapré de couleurs chatoyantes, cette pépinière riant
verger; jusqu'à ces statues, discutables comme plastique, mais
bien venues comme accidents dans le paysage; tout s'unit pour
faire de ce parc admirable un lieu de repos, de rêverie et de
paisible ivresse. C'est une fraîche oasis égarée dans le bruyant
désert parisien ; oasis où les tumultes importuns n'ont pas d'écho,
où le silence, ami des rêveurs, règne troublé seulement par les
vocalises de la gent ailée, où l'air est parfumé de mille senteurs,
où la nappe bleue du ciel n'est pas déchiquetée par les angles
disgracieux des grands toits qui n'en finissent plus.
   Ces choses, sauf quelques débris, ne sont plus qu'à l'état de
souvenir, mais la magie de l'évocation est telle que je me sur-
prends à parler au présent, et le lecteur me pardonnera cette
douce hallucination.
   Or, un des jours dont je parle, au déclin de mai, alors que
les roses commencent à fleurir, un jeune homme, entré par la
grille de la rue de Vaugirard, suivait d'un pas distrait la grande
avenue de l'Observatoire, se dirigeant vers la barrière qui la