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206                      ÉTUDE SUR LES MOEURS
beautés et des charmes de la nature qu'on trouve rarement chez
les auteurs de cette époque : « Oui, écrit-il à Pierre de Poitiers,
« nous habitons les forêts. Dégoûtés des villes, nous aimons la
« campagne et je dirai avec un poète: Non je n'aime plus la
« reine des cités, la tumultueuse Rome, c'est la solitaire Tibur
« ou la molle Tarente qui me plaisent :
          Jam non mihi turbida regia Iloma,
          Sed vacuum Tibur placct ac imbcllc Tarcntum.
                                              (Horat. lib. i, epit. 7).

    « Pour moi, je suis un vieux gladiateur émérite : je laisse aux
«   jeunes gens, à vous (Pierre de Poitiers avait au moins cinquante
«   ans) et à ceux qui vous ressemblent l'ardeur des combats.
«   Armez-vous donc,- et puisque, grâce à Dieu, votre pied va
«   mieux, engagez la lutte, combattez courageusement, accablez
«   l'ennemi sous vos coups ; et puisque, le monde entier prend les
«   armes, joignez-vous, vous aussi, au nombre des combattants.
«   Car c'est pour cette raison que vous n'avez pas voulu partager
«   notre solitude. Cependant ce loisir que vous me reprochez,
«   j'ai voulu l'utiliser et pour citer encore le poète que j'ai cité
«   plus haut : Le lierre qui orne le front des poètes me fait par-
«   ticiper au bonheur des Dieux. Frais bocage, (passons le vers
«   suivant) c'est vous qui me séparez du vulgaire.
          Me doctarum hederœ, prœmia frontium,
          Diis miscent superis ; me gelidura nemus
                                              (Tace reliqua)
          Secernnnt populo. (Horat. lib. i, ode I e ) .

  Dans le reste de sa lettre en effet, Pierre-le-Vénérable annonce
à Pierre de Poitiers que, blessé des fautes qu'il trouve dans les
hymnes de saint Benoit, il a composé en l'honneur du saint deux
nouvelles hymnes qu'il lui envoie. Voilà donc le chef d'un grand
peuple monastique, un homme revêtu d'un caractère imposant
qui vient, au fond des bois, cueillir la palme des poètes, s'ins-
pirer des souvenirs d'Horace et ceindre son front des lauriers
d'Apollon.