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98                  L'ARBRE DU TASSE.

     J'ai détaché d'un doigt respectueux
     Quelques fragments de l'écorce brûlée ;
     Ils ont touché le simple mausolée
     Et les lauriers du Barde malheureux.
     Près d'un gazon du tombeau de Virgile,
     Près d'une fleur de l'arbre d'Hespérus
     Au bord des flots voilant un frais asile
     Rougi du sang de l'ami d'Alticus ;
     Lambeaux chéris que la Muse ramasse
     Je rapportai comme un pieux trésor
     Du doux rivage où croît la pomme d'or,
     Ces saints débris du vieux chêne du Tasse.

     Toi qui portant la robe de Platon
     Fais résonner la harpe du prophète,
     Profond penseur, harmonieux poète,
     Gardant sans lâche et ta gloire et ton nom !
     Austère amant des forêts druidiques,
     Des hauts sommets, des glaciers éternels,
     Mon cœur partage avec toi ces reliques
     De poésie et d'aïeux immortels.
     Si dans ce siècle où pâlit et s'efface
     L'autel brillant des chanteurs inspirés,
     L'encens s'éteint pour leurs hymnes sacrés,
     Rappelle-toi le vieux chêne du Tasse !

     Toujours souffrir, et cependant aimer!
     Le front en proie aux dédains de la foule,
     A ses cailloux, à sa fangeuse houle ,
     D'un chant divin l'instruire et la charmer !
     Traverser pur la bassesse et l'envie,
     Fouler aux pieds les dignités et l'or,
     A l'idéal vouer toute sa vie,
     Choisir le vrai pour suprême trésor,
     Ce grand destin paraît une disgrâce...!
     Mais des martyrs la couronne est aux cieux !
     L'avenir s'ouvre à leur vol glorieux
     Et vient bénir le vieux chêne du Tasse.

                                Adèle (ÃF.NTO*.