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KT DU PRINCIPE VITAL. 21 si les efforts et les mouvements volontaires sont eux-mêmes susceptibles d'échapper a la conscience, a combien plus forte raison, les phénomènes sensibles et intellectuels, les efforts instinctifs et involontaires? On a souvent fait cette remarque que penser h rien, c'est ne pas prendre garde a quoi l'on pense. Au milieu de cette multitude de perceptions et d'impressions qu'a chaque instant l'âme reçoit, soit du dehors, soit d'elle-même, comment exiger qu'elle prête a toutes une égale attention et qu'elle n'en laisse passer au cune inaperçue (1)? Mais qui prouve, dira-t-on, que ce qui a passé inaperçu a réellement existé parmi les phénomènes de conscience? J'invoque ici toutes ces pensées, toutes ces suites d'im- pressions et d'images qui, sans avoir passé sous l'œil de la conscience, ou plutôt après y avoir passé a notre insu, pendant le sommeil, ou même pendant la veille, reparaissent ensuite tout à coup, soit par la réflexion, soit par le simple effet d'une association fortuite. Comment donc, en face de cette expérience de tous les jours, se refuser a croire que l'âme, a tous les moments de notre existence, est peuplée de phénomènes, que l'âme accomplit des actes, surtout les actes simples, directs, instantanés, qui passent sans laisser de trace dans la conscience et dans la mémoire ? De tous les philosophes, aucun, mieux que Leibniz, n'a analysé ces pensées sourdes, ces perceptions insensibles, comme il les appelle, aucun n'a mieux montré leur rôle et leur importance dans la vie intellectuelle et morale. Nos grandes perceptions ou pensées, nos fortes et dominantes impressions, selon Leibniz, se composent d'une infinité de petites perceptions et impressions, comme le bruit de la mer (4) M. Garnier dans son Traité des facultés de rame, admet aussi, en s'appuyant de l'autorité de Leibniz, qu'il y a dans l'âme des phénomènes dont elle n'a pas conscience (liv. 6, 1"'section, chap. 4).