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480 LETTRES SUR LA SARDAIGNE. laquelle pendait en guise de portière une bande de sparterie ; les murs de la chambre revêtues d'une simple couche de chaux, étaient ornés d'une glace détamée, des images delà Madone et de saint Éphise, peintes et dorées sur verre, et d'une couronne de fleurs artificielles. Dans l'angle, s'abritait un petit lit caché sous une coule-pointe bariolée; au-dessus, pendait une palme bénie à l'église, le jour de Pâques fleuries. Juste sous les toits, dont les pierres plates et moussues, che- vauchées les unes sur les autres, formaient autour de la maison un rebord capricieux, s'ouvrait une petite fenêtre devant la- quelle reposait une jeune fille nonchalamment assise. Sa tête inclinée et pensive, encadrée dans les feuilles d'un pampre sauvage, se découpait en sombre sur l'azur du ciel qui servait de fond à son profil délicieux. Quand nous entrâmes, elle se leva brusquement en poussant un cri de surprise, et rajusta sur les bandeaux noirs aux reflets bleuâtres de ses cheveux un mouchoir blanc, détaché pendant son sommeil.Tu dormais, Cicia, lui dit son père, vas donc aider tes sœurs à préparer le dîner, paresseuse! Et aussitôt il entama une litanie de reproches, dont chaque série se terminait par des gestes et des cris exagérés. La belle Cicia commença quelques paroles, essaya un sourire, et descendit en chantant. Pour employer l'heure qui nous séparait du dîner, mon ami me proposa une visite aux moines de la Merci. Quand nous repassâmes dans la salle d'entrée, l'âne.continuait son manège. Cicia était assise devant le métier, tandis que sa sœur aînée faisait tourner une broche admirablement garnie devant un brasier ardent; la petite Anita, la sœur cadette, charmante fille, rose et blanche, découpée comme une danseuse espa- gnole, allait et venait, vive et légère, chantant et riant au soleil comme tout ce qui est beau sur la terre. Le couvent de la Merci, adossé à la montagne, domine les maisons du village, dont les toits plats s'échelonnent à ses