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                       ET SUR LE RETOUR.                       323

 d'autant mieux qu'une fois arrivées au sein des familles où
 elles doivent professer, elles font l'emplette des livres élé-
 mentaires qui les guident dans leurs leçons, et les perfection-
  nent elles-mêmes, elles se maintiennent sans cesse un peu
 au-dessus du savoir de leurs élèves et finissent par devenir
 réellement maîtresses tout en formant leurs écolières. En
 sorte qu'alors qu'elles reviennent, elles sont, pour la plu-
 part, tout juste ce qu'elles se proclament et ce qu'elles devraient
 être en partant, et l'on pourrait croire qu'elles s'en vont
 plutôt pour perfectionner leur éducation que pour faire celle
 d'autrui.
    En thèse générale, vingt ou vingt-cinq ans de séjour loin
 de Genève sont nécessaires à l'institutrice qui veut y revenir
 dans une position tout-à-fait indépendante. Partie à dix-huitou
 vingt ans, c'est donc ordinairement à quarante ou quarante-
 cinq ans qu'elle peut rentrer dans ses pénates ; sans doute
 il en est qui, plus fortunées, y retournent jeunes encore, ou
 tôt moins âgées, avec de jolis moyens d'existence, mais ces
 exemples sont peu fréquents et deviennent plutôt l'exception
 que la règle.
    Ainsi que le caméléon, l'institutrice'prend la teinte et les
goûts dominants du pays dans lequel elle a vécu, du milieu
 où elle a été exilée; selon qu'elle arrive du nord ou du midi,
 elle est flegmatique, cérémonieuse, formaliste, ou bien vive,
enjouée, sémillante ; je dois dire pourtant que celle-ci est
très-rare, attendu que les migrations enseignantes de nos
jeunes genevoises se dirigent plus volontiers vers le nord.
    L'institutrice est essentiellement aristocrate dans ses ma-
nières et presque toujours par ses opinions; en vain elle
aurait vécu chez des membres opulents des diverses opposi-
tions; ces messieurs, très Brutus à la tribune ou dans leurs
écrits, sont à l'ordinaire quelque peu Louis XIV chez eux.
    Le paletot libéral qui les enveloppe au sein des assem-