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72 LETTRES SU» LA SARDAIGNE. de bois, bien doré, bien peint en rouge, revêtu d'un élé- gant costume romain, habitant une grande cage de verre qui lui sert de maison, et clans laquelle on entretient des cierges allumés et des fleurs toujours fraîches ; protecteur dé- voué de sa patrie adoptive, c'est lui qui, en 1656, délivra la Sardaigne de l'horrible peste qui ravageait l'Italie, et c'est encore lui qui, en 1793, repoussa les boulets français loin des murs de Gagliari. Chaque année, le premier mai, jour de sa fête, après la cérémonie religieuse proprement dite, le saint quitte Ga- gliari et va passer quelques jours à la campagne, c'est ce qu'on appelle en Italie : aller en villégiature. Il choisit ordi- nairement pour retraite le village de Poula, situé à l'extrémité du golfe de Cagliari sur le plus frais rivage de la Sar- daigne, et le lieu de son martyre. C'est cette promenade solen- nelle du saint, qui avait attiré, de tous les points de l'île, cette multitude empressée et brillante dont les joyeux élans m'a- vaient surpris et charmé; car tous les Sardes se font un de- voir d'accompagner leur palron dans son excursion, et de se mêler à son cortège; et puis aussi c'est pour eux une oc- casion de se livrer à tous les éclats d'une joie bruyante, et d'étaler la richesse et les trésors de leurs costumes, cette grande vanité des peuples méridionaux. Je n'ai pas besoin de vous dire que le clergé séculier est complèlement étranger à cette ovation toute natio- nale. Le lendemain, premier mai, dès la pointe du jour, je me levai, réveillé par les tintements des cloches et je me rendis sur la grande place. La foule était déjà compacte et animée. A chaque instant on voyait déboucher, par les rues adjacentes, des cavaliers portant leur femme en croupe, et de pesantes carrioles traînées par des bœufs, voituranldes familles entières, qui venaient prendre part à la fêle, Bientôt