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62 LETTRES SUR I.A SARUA1GNE. Deux magistrats suprêmes gouvernent la Sardaigne, gou- vernent avec la permission de Messieurs les ministres turinois, ce sont: le vice-roi et le régent de la chancellerie. Le vice- roi d'abord, chef des administrations civile et militaire; il représente la puissance royale et jouit de toutes les préro- gatives extérieures qui y sont attachées; il a son étal-major; il a sa garde royale; le tambour bat, le clairon sonne, les fusils retentissent quand il apparaît au seuil de son palais, et la foule attendrie salue à la promenade son crâne couronné d'un feutre noir; mais le plus beau fleuron de celte couronne est le droit de grâce dont elle jouit une fois par an à l'oc- casion des fêtes de Pâques. Noble usage, que l'intervention d'une religion d'amour et de paix rend plus saint et plus touchant encore. Le vice-roi a le département de la justice ; il préside l'audience royale : l'audience royale se compose de huit juges, qui, divisés en trois chambres, deux civiles, une criminelle, traitent les affaires du gouvernement, font exécuter les décrets, s'occupent des causes civiles, jugent les criminels, et font enfin tout ce qui concerne leur état. Au régent, appartient la nomination des notaires, des avocats et des avoués, car des avocats et des avoués en tout pays le besoin s'en fait sentir. Mais ce qui doit nous étonner, nous autres Européens, c'est que les avocats forment une classe honorable et très honorée, et qui suit immédiatement celle de la noblesse; de plus, ils sont très ferrés sur le droit r o - main; autre pays, autre opinion et autre science. Un juris- consulte , une femme de génie , Éléonore d'Arborée , dont la gloire législative n'a guère traversé les mers qui entourent sa patrie, dicta, il y a quelques centaines d'années, un code universel, connu sous le nom de caria di logu, et qui renferme tout le corps de doctrine de la jurisprudence actuellement en vigueur en Sardaigne. Des lois postérieures, enfantées au milieu des tiraillements intestins et des vicissi-