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i7S               LETTRES SUR LA SARDAIGNË.
Les champs, inondés autrefois, transformés aujourd'hui par
l'air, l'humidité et la chaleur, se couvrent de récoltes abon-
dantes et variées, qui viennent s'entasser dans des greniers
immenses, et qui bientôt iront s'écouler sur les ports de
Gênes ou de Marseille, tandis que de vastes étables offrent
un abri aux bœufs, que l'incurie des Sardes laissait exposés
pendant l'hiver au froid, s la pluie et à la faim. Les fièvres
diminuent et disparaissent peu à peu. Les seigneurs et le
clergé, comprenant enfin qu'ils auront leur part dans les ri-
chesses et l'abondance apportées au pays par l'établissement,
oublient leur jalousie et les dîmes perdues, et le paysan ne
voit plus dans les étrangers de la ferme que des amis et des
bienfaiteurs.
   Le séjour de l'établissement avait pour moi un charme
inexprimable; aussi abusai-je un peu de la cordiale hospitalité
de mes hôtes et la ferme devint-elle quelque temps le centre
de mes excursions. Un jeune employé supérieur, descendant
d'une famillle noble de Bretagne, et dont les manières fran-
ches et distinguées captivèrent bien vite mon amitié, devint
mon guide et mon compagnon. Sa gaité, son esprit, sa bonté
surtout, que je n'oublierai jamais, rendent aujourd'hui plus
agréable encore le souvenir de ces courses pittoresques que
nous fîmes ensemble.
   A une heure de la ferme, à l'extrémité d'une plaine déso-
lée, couverte de cistes sauvages, sur le flanc de hautes
montagnes :

              n Trône des deux saisons,
         Dont le front est de neige et les pieds de gazons. »

Au milieu d'un bois d'orangers toujours en fleurs, et que
traverse le lit d'un torrent impétueux, s'élèvent les toits plats
et les murailles blanches des maisons de Villacidro. La magni-
ficence de sa position, d'où l'on domine la plaine entière du