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                  LETTRES SUR LA SARDAIGNË.                    489
 traqué de toutes paris, s'élance sur le chasseur, et le renverse
au fond du précipice.
    Avant l'aube du jour, tous les chasseurs étaient en selle,
les chiens accouplés et tenus en laisse, et la troupe s'engagea
dans le sentier raboteux de la forêt à la lueur des flammes
résineuses. Après une heure de marche, l'avant-garde s'arrêta
et mit pied à terre. Le soleil qui se levait alors éclaira le champ
de nos exploits futurs. A nos pieds, la montagne s'ouvrait,
comme un cratère gigantesque, dont les flancs hérissés de
roches énormes se cachaient sous un fouillis de myrlhes, de
lauriers roses et de térébinthes, à travers lesquelles s'élan-
çaient en réseaux d'argent les eaux d'un ruisseau qui vont
former au fond de l'entonnoir un petit lac mystérieux ; à
l'entour s'élevaient silencieusement dans le bleu du ciel les
cimes séculaires des sycomores et des chênes. Le matin les
mouflons descendent aux bords du lac pour se désaltérer et
brouter l'herbe de ses bords.
   Tout-à-coup il se flt un silence dans la bande : le chef
de la chasse venait d'apercevoir une douzaine de mou-
flons qui venaient au fond du ravin : aussitôt chacun
courut au poste indiqué ; toutes les issues par lesquelles
les mouflons pouvaient s'échapper furent occupées; les chiens
détachés se précipitèrent à travers les rochers et les brous-
sailles. Alors un vacarme infernal ébranla la cime des monts;
c'étaient des aboiements féroces, des cris, des coups de fusil
que les échos se renvoyaient à l'infini, pour moi, à qui l'on
voulait procurer l'honneur de celle journée, planté au sommet
d'une roche, je gardais l'issue principale, avec la recommanda-
lion de ne l'abandonner que lorsque l'on viendrait me relever.
   Vous expliquer l'émotion qui m'agilail, serait chose diffi-
cile, j'entendais distinctement le battement de mes tempes
et je maîtrisais à peine le tremblement nerveux de mon bras.
Tout-à-coup je vis au-dessous de moi les buissons frémir el se