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158 M. ALEXANDRE DUMAS. Après cela, ne demandez à l'auteur des Trois Mousquetaires ui grandes idées, ni but moral, ni portée philosophique, ni rien de ce qui élève l'à me et la laisse agrandie et charmée. Amuser est son but, cl l'on peut dire qu'il y excelle ; aussi eompte-t-il beaucoup plus de lecteurs que de partisans. Il ne blesse aucune opinion, ou, pour mieux dire, il n'intéresse les sympathies de personne, parce qu'il n'a ui sympathie ni opinion. Depuis le succès d'Henri III et les enivrements des jeunes années jusqu'aux rudes labeurs du roman feuilleton, la vie de M. Dumas s'est trop écoulée au sein des futilités mondaines pour qu'il ait eu le temps et la pensée de recti- fier les vices de son éducation, alors qu'il disait au début de sa carrière : « J'entrais dans le monde avec des idées de morale et de « religion complètement faussées ; j'étais voltairien et matérialiste « jusqu'au bout des ongles ; je mettais le Compère Mathieu au " rang des livres élémentaires ; enfin je préférais Pigault-Lebrun " à Waller Scott. » Au milieu de ses transformations successives, M. Dumas est resté tout ce qu'il était alors : seulement à la confu- sion des idées, au défaut de discernement et d'éducation se sont joints le scepticisme, l'indifférence, l'oubli des devoirs de l'écrivain et l'insouciance de sa dignité : — les plis sont devenus des rides profondes. En esquissant le profil de cette physionomie singulière, bizarre, qui a nom Alexandre Dumas, peut-être nous sommes-nous trop occupé à en faire ressortir les saillies, les étrangetés et les lignes plus accentuées qu'harmonieuses ; peut-être aussi le blâme de quelques détails a-t-il tenu plus de place que l'éloge de certaines parties. C'est que, tout en professant une certaine admiration pour le talent de l'auteur des Trois Mousquetaires, nous avons été im- périeusement dominé par la pensée qu'il devait être beaucoup de- mandé à M. Dumas, parce qu'il lui avait été beaucoup donné. Puis — et que ce soit là l'excuse des sévérités de notre plume — nous n'avons pu songer sans regret combien cet esprit, que nous avons suivi daus ses incroyables égarements et dans ses entreprises si souvent couronnées de succès, eût gagné à garder son individualité, au lieu de la vulgariser; à se vouer au culte de l'art, au lieu d'emporter aux pieds des idoles d'or l'urne sainte de la littérature