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ET DE L'ENSEIGNEMENT. 243 juge de la morale ; il pense que si tous les instituteurs du royaume étaient nommés par lui, payés par lui, dépendants de sa faveur, ils auraient tous intérêt à prêcher l'amour du gouvernement, et c'est pour cela qu'il répugne à laisser la liberté. Le gouvernement entend bien mal ses propres intérêts. Il sent qu'il ne doit pas se faire des ennemies des religions qui se partagent ses sujets; mais croit-il donc s'attirer leur amitié par l'injustice? il lient à nommer les évêques, afin que les évêques dépendent de lui; mais depuis seize ans qu'il tend ses filets pour attraper ce qu'il appelle des hommes modérés et ce qu'on pourrait appeler d'un autre nom, a-t-il bien a se louer de ses succès? sauf un très-petit nombre, ne se plaint-il pas de l'ingratitude des autres? et encore, qu'il le sache bien, ce petit nombre n'est ni aimé ni estimé, et il aliène plus de cœurs au pouvoir qui les a imposés que les généreuses réclamations de tous les autres. Le gou- vernement lient à imposer des instituteurs; mais les po- pulations les repoussent et maudissent le gouvernement qui les leur impose; et ces instituteurs qui, fidèles à la pensée qui les envoie, croient devoir lutter contre le clergé, font naître dans le cœur du clergé un profond dégoût pour le pou- voir qu'ils représentent. Pourquoi donc se donner tant de peine inutile quand il y a un moyen si simple, si facile et si fructueux? que le gou- vernement fidèle au principe qui l'a fondé, accorde pleine liberté spirituelle à toutes les religions, et toutes les religions le béniront et le feront bénir par tous les cœurs. On ne force point les cœurs, on les attire. Ce n'est point par des moyens coércilifs qu'on gagne l'affection ; ce n'est point même par des faveurs, car les faveurs, en faisant quel" ques amis, font beaucoup de jaloux, les plus terribles de tous les ennemis. Le vrai moyen de s'assurer l'affection de tous, c'est l'impartialité et la justice, el, dans le cas présent, la justice c'est la liberté.