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                   ROME AO SIÈCLE D ' A U G O S T E .        169
l'homme qui lui était désigné, lui donnait le nom de frère, de
père, suivant son âge, prodiguant à tous ces aimables adop-
tions de politesse
    « César, animé comme sur un champ de bataille, volait
dans toutes les parties du Forum; on le voyait, pour ainsi
dire, tout à la fois à la colonne Horalia et aux Cinq Tavernes;
au Comitium et aux Arcs de Janus ; devant le temple de Castor
et au lac Curlius. Partout il distribuait des poignées de main,
sans dédaigner personne, pas môme les affranchis, s'ils étaient
adroits et influents. Rencontrait-il quelqu'un de ces faux amis
qui se trahissent eux-mêmes en cherchant à se justifier :
— A quoi bon, lui disait-il? Suis-je donc si soupçonneux?
je n'ai jamais douté de votre ancienne et sincère affection
pour moi. Laissez passer la calomnie et ne vous inquiétez
pas. — S'il en rencontrait qu'il avait offensés en plaidant
contre eux, il les abordait le premier, s'excusait de bonne
foi sur la nécessité qui l'avait contraint d'agir ainsi, et leur
promettait que s'ils voulaient devenir ses amis, il ne les servi-
rait pas avec moins de chaleur et de dévouement. A ceux qui
le haïssaient sans cause, il témoignait le plus grand désir de
les obliger, et les priait d'en faire naître l'occasion. Il usait
des mômes moyens avec les amis de ses compétiteurs, et ne
leur montrait pas un esprit moins bienveillant. En un mot,
il s'efforçait d'étaler la plus grande affabilité; prodiguait
l'offre de son amitié; sollicitait avec instance, avec énergie ;
mettait dans ses discours, remarquables par la pureté et par
l'élégance, tant d'adresse, tant de force, tant de feu qu'on
aurait pu dire qu'il parlait avec le môme courage qu'il com-
battait. Il semblait agir naturellement dans ce qui était le plus
éloigné de son naturel, pliait ses traits, sa physionomie, ses
paroles, aux idées, aux goûts, aux affections de ceux qu'il
abordait, môme des derniers du peuple, môme des gens les
plus vils. Je l'ai vu baiser les mains de beaucoup de plébéiens
 qu'il croyait mal disposés en sa faveur, et flatter des esclaves
 auxquels il supposait quelque influence sur leurs maîtres. » (1)
    C'est ainsi que dans cette Rome déjà avilie et sanguinaire,
 où le despotisme allait bientôt déployer ses violences venge- '
 resses, les plus illustres citoyens, ceux qui semblaient le
 mieux faits pour la grandeur et pour la gloire, devenaient
 adulateurs delà populace et s'abaissaient jusqu'à terre, pour

  (i)Tom. it , p. 6-9.