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286                      SORTIE DES LYONNAIS.

proie à toutes les horreurs de la guerre, accablé de douleur
et de fatigue, après avoir vu massacrer la plus grande partie
de mes infortunés compagnons, c'est dans cette déplorable
situation que je suis parvenu à me réfugier dans un pays
hospitalier, où l'esprit de révolte et de licence n'avait pas pu
pénétrer, et où j'ai trouvé mon salut.
   Échappé depuis le 9 octobre, jour de ma sortie de Lyon,
à tous les dangers imaginables, je me rendis au village du
V.... Je le quittai le 12, à minuit, accompagné seulement de
deux jeunes gens, nommés G... et H..., débris comme moi
de l'armée que je commandais. Nous arrivâmes à Sainte-A...
une heure avant le jour ; H... se détacha de nous et alla

sortie des Lyonnais, écrit par M. Précy et adressé à l'un de ses amis de Lyon,
pendant le régime de la Terreur. Vous avez bien voulu, sans que je l'aie ré-
clamé, annoncer que vous teniez de moi ce document et de quelle source il
me venait. La vérité y est toute entière ; mais, s'il en était besoin, et pour
l'authenticité de cet écrit par le général Précy lui-même, j'ajouterai que, en
l'année 1814. époque de la réapparition de ce général dans notre ville, ce
qui restait de la compagnie des grenadiers de la rue Royale, dont je faisais
partie pendant le siège, se réunit pour lui offrir un dîner aux Brotteaux ; il
voulut bien l'accepter. Des cent vingt dont notre compagnie avait été compo-
sée au commencement du siège, nous ne nous trouvâmes plus que vingt-quatre.
Ce banquet fut présidé par M. Regny, alors trésorier de la ville, lequel avait
été notre capitaine. A la fin de ce repas, et après quelques couplets qui lui
furent chantés et adressés par plusieurs de ses grenadiers, notre général se
leva et demanda les embrassements de tous ses frères d'armes. Lorsque mon
tour fut venu d'être pressé dans ses bras, je lui dis : « Mon général ! je pos-
 sède une copie de votre récit sur la sortie et sur votre retraite , ce manuscrit
 est si intéressant que vous devriez bien le faire imprimer. » Il me répondit :
 « En effet, j'y ai pensé plusieurs fois et depuis mon retour en France ; mais,
pour cela, il faudrait retoucher au style que je n'ai pas eu le temps d'épurer
 à l'époque où j'écrivis celte lettre, et y citer bien des noms que je n'ai désigné
 que par des initiales ; aujourd'hui, je puis faire connaître, sans les compro-
 mettre, tous ceux dont j'ai reçu une si courageuse hospitalité à laquelle je dois
 le bonheur de me trouver au milieu de vous. C'est pour moi un devoir de le
 faire, et je le ferai. »
    Sans doute que sa mort, arrivée peu d'années après, l'a empêché d'exécuter
 son intention.
    Agréez, je vous prie, Monsieur, l'assurance de ma haute et parfaite consi-
 dération.
                                                     H. PERRET LAGRIVE.

        La Chassagne, 2 octobre 1847.