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M. ALEXANDRE DUMAS. 147 parut dans la seule année de 1844 plus de trente volumes sous son nom Toute la littérature contemporaine, à quelques individualités près, aurait fini par s'incarner en lui, et par n'être plus représen- tée que par un seul nom, le sien. Mais déjà ce nom, trop prodigué, allait chaque jour en s'effaçant comme une monnaie usée. Quelque temps encore, et l'intérêt qu'il avait excité d'abord eût fait place à l'indifférence, puis à la satiété. Aussi les journaux, qui avaient éveillé chez M. Dumas l'idée de tirer de sa popularité le meilleur parti possible, sinon le plus honorable peut-être, furent les pre- miers à lui dire, comme Dieu désignant à la mer le dernier grain de sable qu'elle doit toucher de sa vague : tu n'iras pas plus loin. Un traité fut conclu entre la Presse, le Constitutionnel et M. Dumas, traité par lequel l'intarissable romancier s'engageait à partager exclusivement sa collaboration entre ces deux journaux, et à no produire désormais, en échange de 70,000 francs, que dix huit vo- lumes par an. Ce contrat était exclusif, absolu. M. Dumas cependant ne parut pas d'abord vouloir strictement l'exécuter, car son nom continua de briller dans les prospectus et les annoncées de certains journaux. La Presse et le Constitutionnel de se récrier aussitôt, non contre la facilité de l'écrivain à multiplier, sans trop de scru- pule, ses engagements, mais contre les prétentions des éditeurs de journaux et de revues. De là procès devant les tribunaux, débats assez scabreux ; et enfin obligation pour le Constitutionnel et la Presse de fatre enregistrer leur trailé afin de lui donner date cer- taine et autorité contre les tiers (1). Depuis qu'il a laissé couper les ailes à sa muse, et qu'il est réduit à ne plus produire que dix-huit volumes par an, un volume et demi par mois, cent cinquante pages par semaine, vingt pages par jour, M. Dumas, assez embarrassé pour remplir sa journée, s'est trouvé tout à coup avoir de nombreux loisirs. Comment les occuper, et surtout comment arrondir un peu les 70,000 livres garanties par (i) Il serait trop long d'indiquer chacune de ces singulières contestations. C'est aux feuilles judiciaires de i8' t 5 et de 1846 qu'il faut avoir recours sil'on veut connaître quelques-uns de ces documents, qui, pour n'avoir, mal- heureusement, rien de littéraire, n'en sont pas moins curieux à noter.