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LE LIVRE ET LE MONUMENT (i),
FABLE.
Dans la mansarde d'un hôtel
Travaillait un pauvre poète,
Et, pour ce rimeur éternel,
Tous les jours étaient jours de fête.
Il vivait là fort chichement ;
Mais, en espoir, du moins, au temple de mémoire
Il transportait son logement
Où, sobre par tempérament,
Il pourrait s'enivrer de gloire.
Faible en était sa part. N'importe, un jour viendrait
Qui mettrait chacun à sa place.
Dans le même hôtel demeurait
Un financier à large face.
Sous des lambris dorés languissait avec lui
Un triste compagnon, l'ennui.
Certain jour, au sortir de table,
Le financier pensa, dit-on,
Et raisonna : ceci n'est pas invraisemblable.
— Ne devant pas laisser, dit-il, de rejeton,
Comment perpétuer mon nom ?
Pour le faire passer jusqu'aux races futures,
Si j'élevais un monument
Qui braverait des ans les mortelles injures,
(i) Nous empruntons ces deux pièces à un recueil de fables que va publier
notre compatriote, M. Alexis Rousset, déjà connu dansles lettres par plusieurs
drames en vers. On trouvera, dans le nouveau fabuliste, la grâce et la bon-
hommie du genre, à côté des sentiments nobles et honnêtes du moraliste.